Par Smith PRINVIL
Lascahobas, paisible cité de la vallée centrale, vit ces jours-ci au rythme d’une peur grandissante. Les rumeurs d’une attaque imminente des gangs armés ont déclenché une onde de panique dans la population. Des familles entières, prises de court, préfèrent tout abandonner plutôt que d’attendre que la violence frappe à leur porte. Un vent d’exode souffle à travers les ruelles, portant avec lui le désespoir et l’angoisse.
À Lascahobas, on n’attend plus les coups de feu pour réagir : la terreur s’annonce à l’avance, et chacun tente de fuir avant que ne se répète le cauchemar de Mirebalais. Cette autre ville, autrefois centre dynamique du Plateau Central, est désormais le symbole tragique d’un État absent, d’un territoire abandonné à la merci de criminels mieux armés que les forces de l’ordre.
La situation de Lascahobas est l’illustration parfaite d’un pays qui sombre dans l’inversion des rôles : les citoyens obéissent à la logique de la peur, pendant que les gangs dictent les mouvements. L’État, lui, se fait invisible, inaudible, impuissant.
Le silence des autorités nationales face à ce climat de terreur préventive est une complicité par abandon. Quand la rumeur suffit à vider une ville, ce n’est plus la rumeur qui est en faute : c’est le système qui a cessé d’exister.
Ce nouveau cycle d’exode intérieur vient s’ajouter à l’immense fracture humanitaire que vit déjà le pays. Les déplacés internes s’entassent dans des conditions indignes, sans soutien, sans suivi, sans avenir. Chaque déplacement est une amputation supplémentaire du tissu social haïtien.
Que reste-t-il d’un pays quand ses enfants fuient avant même que le feu ne prenne ? Quand la peur est plus forte que l’espoir, la République vacille. Il est temps, plus que jamais, que les forces vives de la nation — société civile, institutions morales, diaspora, organisations humanitaires — brisent le silence. Car une ville qui se vide de ses habitants n’est pas seulement une ville en danger : c’est un cri d’alerte national.