Alors qu’Haïti s’enfonce dans une crise multidimensionnelle, marquée par l’insécurité endémique, la faillite des institutions et la perte de confiance généralisée, le Premier ministre Gary Didier Fils-Aimé semble évoluer dans une bulle d’illusions. Lors d’un récent déplacement dans le Sud du pays, il a déclaré que sa mission consistait à « résoudre l’insécurité, à organiser un référendum, puis des élections ».
Cette déclaration, qui se veut ambitieuse, révèle surtout une incompréhension profonde des réalités haïtiennes. Comment parler de scrutin dans un pays où même les grandes artères de la capitale sont aux mains des gangs armés ? Comment promettre des élections quand la terreur, les enlèvements et l’impunité règnent en maître sur une population exténuée et sans voix ?
Mais au-delà du climat sécuritaire, un autre obstacle fondamental empêche toute perspective de scrutin crédible : le financement des candidats. Aujourd’hui, en Haïti, ceux qui ont les moyens de financer des campagnes électorales sont, pour une grande part, liés à des circuits illicites — trafic de drogue, contrebande d’armes, corruption à grande échelle. Les citoyens honnêtes, eux, sont exclus du jeu politique par manque de moyens et d’alliances.
Il ne faut pas perdre de vue que nombre de ces anciens parlementaires aujourd’hui sous sanctions, ainsi que certains ex-présidents, ont été propulsés au pouvoir non par la volonté populaire, mais par des scrutins achetés à coups d’argent sale et grâce au soutien direct de chefs de gangs. Ce sont ces mêmes criminels, aujourd’hui faiseurs de rois et bourreaux du peuple, qui imposent la terreur dans les rues. L’aveuglement criminel du Premier ministre Gary Didier Fils-Aimé face à cette réalité n’est pas une simple erreur d’analyse : c’est une posture complice, un choixt politique lourd de conséquences.
Il est donc urgent de repenser en profondeur notre système électoral. Cela commence par une réforme du financement des campagnes, qui doit bannir l’argent sale et garantir la transparence. Il faut aussi encourager la structuration de vrais partis politiques — pas des machines de propagande autour d’individus — et instaurer un strict équilibre du temps de parole dans les médias. Une élection ne doit pas être une foire au clientélisme, mais un moment de confrontation des idées, des projets, des visions pour le pays.
Organiser des élections aujourd’hui, sans sécurité, sans règles claires, sans équité, ce n’est pas faire œuvre de démocratie. C’est simplement renforcer un système corrompu où le pouvoir se marchande au plus offrant, au détriment du peuple.
Haïti mérite mieux que ce simulacre.
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