– Depuis deux semaines, une série d’opérations policières d’une intensité inhabituelle secoue plusieurs bastions de groupes armés à travers le pays. Des interventions ciblées à Torcel contre le gang Kraze Baryè, ou encore au Village-de-Dieu, suscitent à la fois espoir et scepticisme au sein de la population. L’action semble coordonnée, précise, et soulève une question centrale : la Police Nationale d’Haïti (PNH) agit-elle enfin librement, ou est-elle instrumentalisée dans une stratégie de survie politique du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ? S’ interroge, dans éditorial, Jeamson LIZINCE, journaliste politique « ALTERNANCE MÉDIA « 

Une force toujours compétente, mais longtemps bridée

La PNH n’a jamais manqué de professionnels compétents et dévoués. Pourtant, les dernières années ont été marquées par de lourdes pertes : des dizaines d’agents tués, des blindés incendiés dans l’Artibonite et à Kenscoff, des drones défaillants. Tout cela s’est produit sous les yeux d’un État absent ou complaisant. Pourquoi cette soudaine efficacité ? Pourquoi maintenant ?

Le CPT sur la sellette, à l’intérieur comme à l’extérieur

Le CPT, dirigé par Fritz Alphonse Jean, fait face à une crise de légitimité persistante. Contesté sur le plan national, il est aussi remis en question par des acteurs internationaux majeurs. L’Organisation des États Américains (OEA), par la voix d’Albert Ramdin, a clairement affirmé que le CPT n’est pas en position d’organiser des élections crédibles. Une prise de position interprétée par plusieurs observateurs comme un ultimatum diplomatique.

Dans ce contexte, l’activisme soudain de la PNH soulève des doutes : est-ce un sursaut républicain ou une manœuvre de communication politique visant à faire gagner du temps à un pouvoir en sursis ?

La sécurité comme opération de façade ?

Même si ces opérations aboutissent à des victoires tactiques, elles ne garantissent en rien la survie politique du CPT. Le contexte de son arrivée au pouvoir, les critiques sur son manque de résultats, et la pression croissante de la communauté internationale limitent sa marge de manœuvre.

Le timing de cette « reconquête sécuritaire » paraît trop commode pour ne pas être suspect. Elle pourrait bien n’être qu’un prétexte pour tenter de légitimer un maintien au pouvoir jusqu’en 2028 — une hypothèse que beaucoup jugent irréaliste.

Une sortie maquillée en victoire ?

Si le CPT pense que des succès éclairs en matière de sécurité lui permettront de s’imposer, il se trompe. À défaut de gagner en légitimité, il pourrait simplement chercher à sortir la tête haute, en laissant croire qu’il aura amorcé la reprise en main du territoire.

Mais les Haïtiens n’attendent plus de demi-mesures ni de manœuvres politiques. Ils réclament un changement réel, profond, et une transition crédible. À ce jour, les actions du CPT ressemblent davantage à une fuite en avant qu’à un projet de redressement national.

By Jeamson LIZINCE

Jeameson LIZINCE est expert en gestion de projet, diplômé en gestion des ressources humaines, étudiant en science politique à IERAH ( Université d' État d 'HaÏti ) et journaliste politique d' ALTERNANCE MÉDIA