Dans une capitale secouée par une crise profonde, où les gangs armés dictent leur loi sur de vastes portions du territoire, où les déplacements forcés ont vidé des quartiers entiers, et où l’État central semble s’être effacé, une institution locale tente de tenir bon : la mairie de Port-au-Prince. Depuis décembre 2024, Ralph Youri Chevry, de retour à la tête de la commune, s’efforce de redonner un souffle à une ville meurtrie mais debout.
Personnage controversé pour certains, déterminé pour d’autres, Monsieur le maire affiche une volonté claire : agir, même en terrain miné. Face à l’effondrement des ressources, à l’insécurité omniprésente et à une population en détresse, l’équipe municipale cherche à poser des gestes concrets. Car malgré les tempêtes, la mairie refuse de disparaître.
Port-au-Prince, la mairie fonctionne dans un contexte de précarité extrême. Le financement, pilier vital de son fonctionnement, s’effondre. L’impôt locatif (CFPB), autrefois l’un des rares leviers fiscaux disponibles, ne rapporte plus. Les maisons détruites ou désertées ne génèrent aucun revenu, laissant les caisses quasiment vides.
« Nos recettes ont chuté de façon drastique. Oui, la mairie est instable sur le plan financier, il faut le reconnaître », confie Jean Lournel Léandre, chef du service de communication de la mairie. « Mais cela ne nous empêche pas d’agir. »
Voirie : la priorité d’un redémarrage
Dans ce paysage chaotique, la voirie devient une ligne de front. Loin d’être un simple service technique, elle incarne aujourd’hui l’un des rares signes visibles d’un État local qui persiste. À l’avenue Martin Luther King comme dans d’autres quartiers, des tronçons de route sont en réhabilitation. Des dizaines d’agents sont mobilisés, avec du matériel adapté.
« Nous avons décidé de ne pas rester les bras croisés », affirme M. Léandre.
« Ce service permet non seulement de nettoyer la ville, mais aussi de donner un peu de travail et d’espoir à des familles démunies. »
La voirie, trop souvent reléguée au second plan, devient un levier social dans une capitale à genoux.
Déplacés internes : entre lucidité et solidarité
Face à l’ampleur de la crise humanitaire, la mairie ne cache pas ses limites. Des milliers de personnes vivent aujourd’hui dans des conditions précaires après avoir fui la violence.
« La mairie ne peut pas, à elle seule, reloger les déplacés. Ce serait au-dessus de ses moyens », reconnaît M. Léandre.
« Mais nous faisons notre part : en collaboration avec la Protection civile et certaines ONG, nous acheminons des kits humanitaires vers les familles les plus touchées. »
La coordination, bien que partielle, montre une volonté d’implication, même sans moyens massifs.
Des employés en poste malgré les dangers
La mairie, située à Canapé-Vert, bénéficie d’un calme relatif, précieux dans le climat actuel. Les employés municipaux continuent de venir travailler chaque jour, parfois au péril de leur sécurité.
« Certains de nos agents sont eux-mêmes déplacés. D’autres doivent franchir des zones sensibles pour rejoindre leur poste. Malgré tout, ils tiennent. C’est un courage qu’on ne peut pas ignorer. »
Les salaires, selon la mairie, continuent d’être versés régulièrement. Une décision que Ralph Youri Chevry considère comme un engagement fondamental envers ceux qui font encore fonctionner la ville.
Réformes annoncées, discrétion revendiquée
Alors que les rumeurs de projets se multiplient, la mairie reste volontairement discrète.
« Pour des raisons stratégiques, nous ne souhaitons pas tout dévoiler », affirme le chef de communication.
« Mais des changements concrets arrivent. Par exemple, nous allons très bientôt régulariser la délivrance du certificat de résidence. Trop d’institutions non compétentes s’en sont emparées. Cela doit redevenir une compétence exclusive de la mairie. »
Un arrêté communal serait en préparation sur ce point.
Un appel à la population : patience et solidarité
Port-au-Prince est une ville meurtrie, fracturée, souvent abandonnée. Mais à la mairie, le message se veut clair : renoncer n’est pas une option.
« Nous savons que tout est loin d’être parfait, mais nous demandons à la population de reconnaître les efforts faits, avec les moyens du bord. Gérer une commune dans un tel contexte est un défi colossal. »
Tenir debout, malgré tout
Face aux gangs, à la misère, à l’absence d’État, la mairie de Port-au-Prince s’accroche. Ce n’est ni une reconstruction miracle ni un plan de redressement spectaculaire. C’est un effort quotidien, modeste mais réel, pour maintenir debout ce qui peut encore l’être.