Fanfare, fleurs et slogans creux : la mise en scène indécente d’un pouvoir en faillite.


Un spectacle sur fond de chaos national

Il y a des jours où l’indignation ne suffit plus. Où l’on se demande si le pays n’a pas définitivement perdu le peu de dignité qu’il lui restait. Ce jeudi 17 juillet, sur le tarmac de l’aéroport international Toussaint Louverture, ce qui s’est joué n’a rien d’anecdotique. C’est le miroir éclatant d’une politique du néant, d’un État fantôme qui persiste à mettre en scène sa propre mascarade.

Pendant que le pays s’effondre sous l’insécurité, une économie exsangue et un désespoir collectif palpable, le retour du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, au terme d’un voyage diplomatique manifestement stérile, a été salué… avec fleurs, fanfares et slogans creux. Une réception organisée, financée, minutieusement chorégraphiée par son propre gouvernement. Ironie cruelle dans un pays où les hôpitaux manquent de compresses et où les écoles ferment sous les balles.


Humiliation pour un peuple en souffrance

La scène aurait pu prêter à sourire. Mais elle est humiliante. Humiliante pour les déplacés internes qui fuient chaque jour les zones de guerre urbaine. Indécente pour les enseignants sans salaire, les policiers abandonnés, les enfants privés d’avenir. Injurieuse pour cette jeunesse haïtienne qui croyait encore que ses cris pouvaient porter plus loin que les tambours des Rara corrompus.

Scandaleuse, surtout, quand on sait qu’à Marchand Dessalines et à Liancourt, les examens du baccalauréat 2e partie n’ont pas pu être achevés ce même jeudi 17 juillet, en raison d’attaques armées meurtrières. Et insultante, enfin, parce que ce gouvernement, qui ne protège plus rien ni personne, ose encore se faire applaudir au rythme de fanfares qu’il a lui-même payées.


Un théâtre de l’absurde financé par l’État

Ne soyons pas dupes : ce n’était pas une mobilisation spontanée. C’était un spectacle. Un théâtre de l’absurde financé avec l’argent public. Pour saluer un chef de gouvernement qui, en plein chaos national, n’a même pas été reçu par les principales autorités américaines. Et pourtant, certains osent parler de triomphe diplomatique. La novlangue du pouvoir n’a décidément plus de limites.


Misère, mémoire et manipulation

Comment comprendre qu’un peuple qui, hier encore, dénonçait la corruption et la mauvaise gouvernance, accepte aujourd’hui de danser au rythme de ceux-là mêmes qui l’écrasent ? Peut-être que la misère a fini par tuer la mémoire. Ou peut-être que la politique haïtienne a cessé depuis longtemps d’être une affaire d’idées pour devenir une simple affaire de deals, d’intérêts et de manipulations.


Le symptôme d’un État sans légitimité

Cette réception honteuse n’est pas un simple détail. Elle est un symptôme. Le symptôme d’un régime qui, n’ayant plus de légitimité, cherche dans le folklore une caution populaire. Le symptôme d’une population piégée entre résignation et survie, à qui l’on vend l’illusion d’une stabilité fabriquée à coups de tambours.


La dignité nationale ne se négocie pas

L’Histoire jugera. Mais dès aujourd’hui, les journalistes, les intellectuels, les citoyens conscients doivent nommer les choses : c’est cette politique de la médiocrité assumée, cette banalisation de l’ineptie, cette acceptation silencieuse de l’insulte qui ont conduit Haïti là où elle est.

La dignité nationale ne se reconstruit pas avec des bouquets de fleurs. Ni avec des tambours. Mais avec du courage. Et des actes.


By Willy DESULMA

Willy DÉSULMA, Normalien diplômé de l’École Normale Supérieure et économiste formé à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l’Université d’État d’Haïti, est journaliste et responsable de l’information à Alternance Média TV. Passionné par la diffusion d’une information claire et fiable, il s’engage à informer avec rigueur et professionnalisme. Expert en analyse économique et éducation, il combine savoir et expertise pour éclairer l’actualité et contribuer au débat public.