ALTERNANCE MÉDIA – 20 juillet 2025
Un séisme dans les hautes sphères haïtiennes
L’arrestation à Miami de Réginald Boulos et Alain Zuraik n’est pas un simple fait divers judiciaire. C’est un séisme politique et moral qui secoue jusqu’aux fondations du système haïtien. Pour la première fois, deux des hommes d’affaires les plus influents du pays – symboles d’une élite accusée depuis des décennies de nourrir la corruption et de financer l’insécurité – se retrouvent menottés sous l’œil des caméras américaines.
Leur image, escortés par la police comme de vulgaires criminels, restera gravée dans la mémoire collective. Car, au-delà des accusations, c’est l’impunité des oligarques qui vacille.
Une justice américaine là où l’État haïtien a échoué
Soyons clairs : ce que l’État haïtien n’a jamais osé faire, la justice américaine vient de le réaliser.
En Haïti, aucun grand patron n’a jamais été inquiété pour financement de gangs, blanchiment d’argent ou enlèvements. Pire, beaucoup ont prospéré en faisant de l’insécurité un outil politique et économique.
L’arrestation de Boulos et Zuraik envoie un signal : désormais, même les intouchables peuvent tomber. Non pas grâce à nos institutions faibles et corrompues, mais grâce à une puissance étrangère qui a décidé, pour des raisons stratégiques autant que morales, d’assécher les réseaux financiers des gangs.
Faut-il s’en réjouir ? Oui, car toute brèche ouverte dans le mur de l’impunité est une victoire pour le peuple haïtien.
Mais faut-il s’en méfier ? Oui également, car cette justice importée pose une question de souveraineté : notre salut doit-il toujours venir de l’étranger ?
Le début d’une longue liste ?
Boulos et Zuraik ne sont peut-être que les premiers dominos. Les témoignages d’anciens chefs de gang, les enquêtes du FBI et les pressions de la diaspora haïtienne pourraient aboutir à d’autres arrestations.
Des noms circulent déjà : d’autres « barons » économiques, des politiciens puissants, des trafiquants d’armes blanchis sous l’étiquette d’hommes d’affaires.
Ce que craignent ces élites aujourd’hui, ce n’est pas la prison haïtienne – qu’ils contrôlent depuis des années – mais la froideur des cellules américaines, où leurs millions ne pèsent plus rien.
Un avertissement pour l’avenir
Ce moment est un avertissement : l’argent ne peut plus tout acheter. Si la justice américaine va jusqu’au bout, elle pourrait rebattre les cartes en Haïti, fragiliser l’alliance toxique entre politique et crime organisé et, peut-être, ouvrir une fenêtre d’espoir pour une société épuisée par la violence.
Mais soyons lucides : une véritable libération ne viendra pas de l’étranger. Les Haïtiens doivent eux-mêmes exiger que cette vague atteigne aussi Port-au-Prince, que notre justice ose juger nos propres criminels économiques et politiques. Sinon, ces arrestations resteront un simple spectacle, sans lendemain pour le pays.
La rédaction d’ALTERNANCE MÉDIA
« Nous continuerons à nommer les responsables, à dénoncer leurs réseaux et à exiger des comptes. Car c’est en brisant l’omerta que la véritable justice pourra, enfin, prendre racine. »