Par la rédaction d’Alternance Média


Un président de transition sous la tempête

À quelques semaines de la fin de son mandat, Fritz Alphonse Jean, actuel président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) jusqu’au 15 août 2025, se retrouve au centre d’une affaire qui pourrait bien ébranler les fondements mêmes de la gouvernance haïtienne.

Selon des informations obtenues par Alternance Média auprès de sources fiables au sein de l’administration publique, Fritz Jean aurait mis en place un réseau structuré de rétrocommissions et de pots-de-vin, impliquant plusieurs institutions stratégiques de l’État.

Ce système aurait été alimenté par des directeurs généraux nommés ou protégés par le président du CPT, qui lui versaient régulièrement des fonds non déclarés en échange de protection politique et du maintien de leur poste.


Des chiffres qui donnent le vertige

Les montants évoqués dans ce système présumé de corruption sont considérables :

  • Douane haïtienne : 700 millions de gourdes par mois, versés en espèces.
  • Autorité Portuaire Nationale (APN) : 200 millions de gourdes détournés via des commissions occultes.
  • Autorité Aéroportuaire Nationale (AAN) : contrats fictifs attribués à des sociétés-écran.
  • Police Nationale d’Haïti (PNH) : 11 contrats douteux (pneus, carburant, fournitures) pour un total de 50 millions USD, validés sous la direction du DG Normil Rameau.
  • Intelligence nationale : un budget introuvable, sans traçabilité comptable.
  • Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) : 177 130 000 gourdes décaissés entre juin et août pour des opérations dites « anti-gangs », sans justification budgétaire détaillée.

Un document officiel du MEF, daté du 18 juillet 2025 et estampillé « confidentiel », que nous avons pu consulter, confirme ce dernier décaissement.


Une plainte d’ECC secoue le CPT

L’organisation ECC (Ensemble Contre la Corruption) a officiellement saisi la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA).
Dans sa plainte, ECC dénonce l’attribution de 11 contrats fictifs au sein de la PNH, sans aucun appel d’offre, durant la période où Fritz Jean dirigeait le CPT.

ECC réclame :

  1. Une enquête judiciaire indépendante ;
  2. Un audit complet des dépenses du CPT ;
  3. La suspension immédiate de tout décaissement non justifié.

Contacté par Alternance Média, un membre de l’organisation affirme :

« Ce qui est en jeu, c’est la crédibilité même de l’État. Si ces faits sont avérés, nous parlons d’un des plus vastes réseaux de corruption jamais exposés au sommet du pouvoir. »


Une présidence tournante sous haute tension

Conformément à l’accord du 3 avril 2024, le CPT est dirigé par une présidence tournante tous les six mois.
Le 15 août 2025Laurent Saint-Cyr, représentant du secteur privé, doit succéder à Fritz Jean.

Mais cette transition est loin d’être consensuelle. Des proches du président sortant, dont Smith Joseph, multiplient les manœuvres pour retarder ou bloquer la passation de pouvoir, selon plusieurs sources proches du CPT.

L’enjeu est énorme : celui qui contrôle le CPT contrôle aussi les principaux leviers financiers de l’État, soulignent des observateurs politiques.


Une gouvernance à la croisée des chemins

Si ces accusations se confirment, cela marquerait l’un des plus importants scandales financiers de l’histoire récente d’Haïti.

La justice doit désormais se saisir du dossier, et la Cour des Comptes est sommée par plusieurs organisations de publier rapidement un rapport d’audit complet.

Le futur président du CPT, Laurent Saint-Cyr, sera-t-il en mesure de rompre avec cette culture de l’impunité ?


L’ heure de la vérité

Haïti ne peut espérer reconstruire ses institutions sans vérité, transparence et justice.
La société civile, les journalistes d’investigation, les magistrats intègres et les citoyens doivent se mobiliser pour exiger des comptes.

« L’heure n’est plus à la complaisance. Ceux qui pillent l’État doivent être traduits devant la justice »,martèle un ancien haut fonctionnaire interrogé par Alternance Média.


By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, Rédacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplômé en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. Passionné par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagé.