Port-au-Prince | Alternance Média —
Face à une crise sécuritaire, politique et humanitaire sans précédent, l’Organisation des États américains (OEA) propose une feuille de route stratégique sur trois ans pour soutenir la stabilisation et la reconstruction d’Haïti. Le document, présenté en juillet 2025, mobilise un budget estimé à 1,37 milliard de dollars et s’articule autour de cinq piliers prioritaires, plaçant le leadership haïtien au centre du processus.
Une urgence sécuritaire nationale
La situation est critique : plus de 90 % de la capitale contrôlés par les gangs, plus de 5 600 morts liés à la violence en 2024, 1,3 million de déplacés internes, dont un quart sont des enfants. À cela s’ajoutent l’effondrement du système de santé, la fermeture de centaines d’écoles, une inflation galopante, et 40 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté extrême.
Une stratégie en cinq axes
La feuille de route propose une réponse intégrée et progressive, structurée autour de cinq grands axes d’intervention :
- Sécurité et restauration de la paix (96 M$)
Soutien à la Police nationale d’Haïti (PNH), déploiement conjoint avec la Mission multinationale de soutien (MSS), et réforme du secteur judiciaire. - Consensus politique et gouvernance (5,1 M$)
Facilitation d’un dialogue national inclusif pour réviser la Constitution et construire une gouvernance plus équilibrée et légitime. - Processus électoral et légitimité institutionnelle (104,1 M$)
Réformes électorales, appui à l’Office national d’identification (ONI), et observation internationale pour garantir des élections libres et crédibles. - Réponse humanitaire (908,2 M$)
Fourniture urgente d’eau, de nourriture, de soins de santé, d’abris et d’éducation, en particulier pour les déplacés et les populations vulnérables. - Développement durable et progrès économique (256,1 M$)
Relance économique, soutien aux PME, création d’emplois, développement rural, renforcement des services de base et de la résilience climatique.
Un calendrier sous pression
Le plan s’étale de 2025 à 2028, avec une phase préparatoire immédiate. Mais la date du 7 février 2026, qui marque la fin du mandat du Conseil présidentiel de transition, suscite déjà des inquiétudes. Sans cadre électoral clair ni leadership légitime, le pays risque une nouvelle vacance du pouvoir.
Des défis à la hauteur de la crise
Malgré l’élan multilatéral porté par l’OEA, la CARICOM et les Nations Unies, les financements restent largement insuffisants, et seuls 40 % des personnels prévus de la MSS sont actuellement déployés. L’OEA appelle donc à une coordination renforcée, à la mobilisation des bailleurs, et surtout à l’appropriation haïtienne des réformes à venir.
Un pari sur la souveraineté et la responsabilité
« Ce n’est pas une solution imposée », affirme un haut responsable de l’OEA. « Cette feuille de route repose sur le principe de leadership haïtien, responsabilité locale et soutien international coordonné. Elle vise à sortir du cycle de l’assistanat et de la fragmentation. »
Reste à savoir si ce pari sur une transition ordonnée et démocratique pourra se matérialiser dans un contexte aussi instable. Le compte à rebours est lancé.
Par la rédaction d’Alternance Média
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