L’arrestation et la détention prolongée de l’ancien sénateur Nenel Cassy révèlent une inquiétante dérive dans le traitement médiatique de l’information en Haïti.
Plus qu’un simple fait divers judiciaire, ce dossier illustre la manière dont certains médias, à l’image de Métronome, s’érigent en Commissaires du Gouvernement improvisés, oubliant que leur mission première est d’informer, et non de condamner.
La règle élémentaire : l’enquête précède l’information
Depuis plusieurs semaines, Nenel Cassy est détenu à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Pourtant, son dossier n’a pas encore été transmis au parquet de Port-au-Prince.
Les avocats de l’ancien élu des Nippes ont logiquement introduit un recours en habeas corpus, estimant que la privation prolongée de liberté de leur client viole les garanties fondamentales prévues par la Constitution et le Code d’instruction criminelle.
Face à cette situation, Métronome rapporte que la DCPJ « prend son temps » pour enquêter. Mais la question de fond demeure : comment peut-on maintenir un citoyen derrière les barreaux alors que l’enquête n’est pas terminée ? En droit, c’est une évidence : l’enquête doit précéder l’information, et l’information doit précéder la détention régulière. Renverser cette logique revient à normaliser l’arbitraire.
Des sanctions internationales instrumentalisées
Il est vrai que les États-Unis et le Canada ont déjà sanctionné Nenel Cassy pour collusion présumée avec les gangs armés et pour corruption. Mais ces sanctions relèvent de la diplomatie et de la politique étrangère. Elles ne sont pas des preuves judiciaires devant un tribunal haïtien.
Or, Métronome s’empresse d’en faire un argument quasi définitif, comme si Washington et Ottawa devaient dicter la vérité judiciaire en Haïti. C’est une confusion dangereuse, qui entretient l’idée que la justice nationale n’a pas à faire son travail de manière indépendante et souveraine.
Une obsession sélective
Ce qui frappe surtout, c’est la sélectivité. Métronome s’acharne avec constance sur les adversaires du PHTK, dont Nenel Cassy est une figure de premier plan. Mais le même média reste étonnamment silencieux sur d’autres affaires, comme l’interpellation de Pierre Réginald Boulos et les sanctions contre Michel Martelly sur lesquelles leur rédaction ne sait toujours rien.
Cette asymétrie nourrit une impression d’obsession : celle d’enfoncer systématiquement les opposants au PHTK , tout en détournant les projecteurs quand il s’agit d’acteurs issus de cercles plus proches du régime TÈT KALE.
Quand le journalisme se dénature
La presse haïtienne a un rôle crucial : informer le public, vérifier les faits, défendre l’État de droit. Elle doit être le contre-pouvoir qui rappelle aux autorités que nul n’est au-dessus de la loi — mais aussi que nul ne doit être privé arbitrairement de ses droits.
Lorsqu’un média choisit de travestir cette mission en instrument de règlement de comptes politiques, il contribue non seulement à miner sa propre crédibilité, mais aussi à fragiliser les institutions qu’il prétend servir.
Nenel Cassy : un citoyen avant d’être un adversaire politique
Soyons clairs : si des charges sérieuses existent contre Nenel Cassy, il doit en répondre devant la justice. Mais il doit le faire dans le cadre d’une procédure régulière, respectueuse des droits de la défense et des garanties constitutionnelles.
Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Et au lieu de dénoncer cette dérive, Métronome préfère relayer une logique de suspicion permanente, comme si la présomption d’innocence avait disparu du vocabulaire journalistique.
Le vrai combat
Ce qui se joue ici dépasse le cas de Nenel Cassy. C’est la capacité de la société haïtienne à défendre un principe essentiel : la justice ne peut être remplacée par les sanctions internationales, et encore moins par des manchettes médiatiques orientées.
En s’érigeant en juge à la place de la justice, Métronome trahit sa mission.
Un média qui choisit ses coupables cesse d’informer pour commencer à juger.