Washington, 20 août 2025
Le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Albert R. Ramdin, a présenté ce mercredi devant le Conseil permanent une nouvelle feuille de route pour la stabilité et la paix en Haïti. Ce plan, d’un montant estimé à 2,6 milliards de dollars, se décline autour de six priorités : sécurité, consensus politique, gouvernance, élections, aide humanitaire et développement économique. L’objectif affiché : sortir Haïti de la spirale de violence et de fragilité institutionnelle.
Mais dès la fin de la présentation, la voix d’Haïti s’est faite entendre avec fermeté.
Jean Josué Pierre : « Commencez par écouter Haïti »
Le représentant a.i d’Haïti à l’OEA, Jean Josué Pierre, a réagi avec une mise au point claire :
« Monsieur le secrétaire général de l’OEA, il faut commencer par nous écouter. Commencez par écouter les autorités haïtiennes ; commencez par écouter le peuple haïtien », a-t-il déclaré, soulignant le sentiment d’un plan davantage pensé à l’extérieur qu’avec les acteurs nationaux.
Pour lui, la réussite de toute feuille de route dépend avant tout de la prise en compte des priorités définies par les Haïtiens eux-mêmes, et non seulement de la logique des bailleurs ou de la diplomatie régionale.
Des inquiétudes sur l’équilibre du plan
La délégation haïtienne, tout en saluant l’effort de solidarité, a émis plusieurs réserves :
- Sécurité surdimensionnée : plus de 1,3 milliard de dollars, soit la moitié du budget total, est alloué à la sécurité. Une proportion jugée déséquilibrée par rapport aux besoins humanitaires, évalués à près de 900 millions de dollars.
- Chevauchements institutionnels : la mise en œuvre est confiée à l’OEA, alors que des mécanismes de coordination existent déjà via la CARICOM et l’ONU. Haïti redoute un empiètement et une bureaucratie supplémentaire.
- Financement incertain : aucun engagement ferme des États membres n’a encore été annoncé, malgré l’appel à contributions lancé par l’OEA.
Un appel à un mécanisme conjoint de suivi
Dans son intervention, Jean Josué Pierre a plaidé pour une gouvernance partagée du plan. Il a proposé un mécanisme conjoint de suivi, incluant l’OEA, les bailleurs internationaux, mais aussi le gouvernement de transition, la société civile et le secteur privé haïtien.
« Il ne s’agit pas seulement de débloquer des fonds, a-t-il insisté, mais de construire une réponse adaptée à la réalité du terrain » : près de 200 000 déplacés internes, une capitale en grande partie contrôlée par des groupes armés, et une économie paralysée par l’insécurité.
Un test pour la solidarité régionale
Au-delà des chiffres, cette feuille de route met en lumière un double enjeu :
- la mobilisation effective des financements promis ;
- la capacité des institutions internationales à s’aligner sur les priorités haïtiennes.
« L’aide internationale est nécessaire », a rappelé la délégation haïtienne, « mais elle doit respecter la souveraineté et la voix du peuple haïtien ».
En d’autres termes, pour Haïti, ce plan ne pourra devenir une véritable feuille de route que s’il commence — comme l’a martelé Jean Josué Pierre — par une écoute réelle de ceux qui vivent la crise au quotidien.