Il est des programmes radiophoniques ou des articles que l’on regrette d’avoir consommés trop vite. Les médias orbitant autour de Johnny Ferdinand — de Caraïbes FM à Média Libre — et de Guerrier Dieuseul avec Métronome en offrent chaque jour la démonstration. On y découvre moins une ligne éditoriale qu’une stratégie politique : marteler, répéter, accuser. Au bout de quelques minutes, la migraine prend le dessus sur l’information.
Un écosystème médiatique « aux ordres »
Depuis des mois, un tandem Ferdinand–Dieuseul s’impose sur les ondes et en ligne. Média Libre (piloté par Johnny Ferdinand) sert la poussée numérique et publie des articles à charge ; le compte X de Métronome, animé par Guerrier Dieuseul — surnommé par ses détracteurs « Monsieur 3 millions de gourdes » en référence à cette forte somme d’argent perçue du F’NE pour un compte X — assure la caisse de résonance des réseaux sociaux ; Caraïbes FM relaye et amplifie. Plusieurs canaux, un même récit. Leur priorité : installer un procès permanent contre l’ancienne opposition, au premier rang André Michel, Marjorie Michel et Nenel Cassy.
La diabolisation méthodique de l’adversaire
La mécanique est bien huilée : un seul discours, un seul narratif, aucune contradiction. Les accusés ne sont pas invités, leurs versions ne sont pas entendues. Peu importe qu’ils n’aient jamais été condamnés par la justice ni exercé de fonctions exécutives (dans le cas d’André Michel). Le simple fait d’avoir résisté au régime « tèt kale » suffit à les marquer au fer rouge.
Le 30 août, Média Libre publie encore un texte au vitriol contre Nenel Cassy, s’appuyant sur un rapport de la FJKL, présidé par Me Samuel Madistin , également avocat de Réginald Boulos et de Youri Lartotue. Mais la même ferveur disparaît dès qu’il s’agit de proches du pouvoir PHTK.
Deux poids, deux mesures
L’indignation se fait sélective. Les noms de Youry Latortue, Pierre Réginald Boulos (incarcéré aux États-Unis) ou Alfredo Antoine , (arrêté par le DCPJ, puis libéré par le Commissaire du gouvernement de Port- au – Prince)— cités dans divers dossiers ou rapports (ULCC, DCPJ, cabinets d’instruction, instances internationales) — ne bénéficient ni de la même insistance ni du même zèle. À l’antenne, Michel Martelly et ses alliés restent largement épargnés, alors que les controverses abondent (PetroCaribe, ONA, BNC, matériels du CNE, allégations de liens avec des gangs et de trafics). Ici, nous parlons d’allégations et de citations de rapports, non de verdicts : c’est justement le rôle du journalisme de les passer au crible… pas de les passer sous silence.
Le rôle pivot de Guerrier Dieuseul
Dans cet agencement, Guerrier Dieuseul n’est pas une note de bas de page : c’est un pivot. Son compte X Métronome offre le cadre et le ton — attaques répétées contre André Michel et Nenel Cassy, éléments de langage copiés-collés d’un jour à l’autre, indignations calibrées. L’homme de radio fait exister l’angle choisi, légitime la cible, normalise la charge. Le résultat : une synergie entre l’écrit (Média Libre), la radio (Caraïbes FM) et les réseaux ( Métronome ), où Ferdinand et Dieuseul se répartissent les rôles entre production de contenus, éditorialisation et amplification.
Quand l’information devient manipulation
La stratégie ne s’arrête pas au silence : elle passe aussi par la désinformation. Exemple : un sit-in à Paris de l’organisation « Nou Bouke », où la mobilisation était famélique ( moins de 20 participants selon les organisateurs). Sur le site de Johnny Ferdinand, l’échec devient « centaines de manifestants » contre André Michel — un cadrage inflationniste qui vise moins à informer qu’à salir.
Autre contradiction : le 03 juillet 2022, Caraïbes FM diffuse en direct une manifestation réclamant la libération d’Ézéchiel Alexandre (chef de la « base Pilate ») arrêté par la DCPJ le 26 juin de la même année . Les mêmes voix qui, aujourd’hui, soupçonnent Cassy de collusions trouvent alors toutes les excuses pour défendre une base de gang. Comment un adversaire déclaré du PHTK aurait-il les mêmes relais que le camp tèt kale ? L’argument ne résiste ni à la logique ni à la cohérence.
Journalisme d’inquisition, pluralisme confisqué
La mission première des médias est de questionner, recouper, confronter. Ici, elle se réduit à un mot d’ordre : diaboliser l’adversaire pour protéger le PHTK. L’espace médiatique se fait tribunal d’inquisition ; la sentence est écrite à l’avance, la défense absente. Le pluralisme — socle d’une démocratie respirable — est confisqué par une dramaturgie qui fabrique des coupables et lave les proches du pouvoir.
Ce que coûte la propagande
Cette abdication n’est pas qu’une faute professionnelle. Elle fragilise l’esprit critique, légitime l’impunité, déforme la mémoire collective. Elle transforme la presse, contre-pouvoir par essence, en bras armé d’un parti. Quand l’agenda d’un tandem médiatique — Ferdinand et Dieuseul — s’aligne sur l’intérêt d’un camp politique, ce n’est plus de l’info : c’est de la propagande à ciel ouvert.
remettre la contradiction au centre
Un pays en crise a besoin d’une presse qui doute, qui vérifie, qui donne la parole à tous — pas d’une machine à excommunier. Nommer les choses est un devoir : Johnny Ferdinand et Guerrier Dieuseul ont installé un écosystème où l’adversaire est diabolisé et où les zones d’ombre du PHTK sont épargnées.
Réhabiliter la contradiction, citer les sources sans travestir, distinguer faits et opinions : voilà la ligne de crête qui sépare le journalisme de la propagande. Tant que cette frontière sera franchie, c’est la démocratie qui paiera l’addition.