Depuis des décennies, Washington est accusé de fermer les yeux sur les compromissions de l’élite haïtienne. Des hommes d’affaires prospérant sur les marchés publics, des politiciens s’enrichissant dans la corruption, des banquiers finançant à mots couverts les gangs… Tous ont bénéficié de la complaisance internationale tant qu’ils garantissaient la stabilité minimale, observe dans sa chronique, Ralph Siméon, éditorialiste politique « ALTERNANCE MÉDIA « .

Aujourd’hui, le vent tourne. Les arrestations de Dimitri Vorbe et Réginald Boulos par la police américaine, la révocation du visa de Max Chauvet, patron du Nouvelliste et actionnaire de la Unibank ou encore les sanctions visant Antonio Chéramy (Don Kato) et Arnel Bélisaire donnent l’illusion d’un sursaut moral. Washington semble découvrir subitement que les parrains de la violence ne se cachent pas seulement dans les ghettos mais bien dans les salons feutrés des puissants.

Le double jeu américain

En réalité, les États-Unis se contentent de laver leur image. Ces élites qu’ils pointent aujourd’hui du doigt sont les mêmes qu’ils ont courtisées, soutenues, parfois protégées pendant des décennies. Que ce soit dans l’énergie, la banque ou la politique, les noms de Vorbe, Boulos, Bigio, Lambert ou Latortue n’étaient pas des secrets. Les rapports de la DEA, de l’ONU ou des ONG documentaient déjà leurs liens avec le trafic, la corruption ou les gangs.

Mais il a fallu que la crise échappe totalement au contrôle, que Port-au-Prince tombe aux mains de coalitions armées, et que l’image d’Haïti devienne un embarras diplomatique majeur, pour que Washington agite enfin le bâton.

Une responsabilité renvoyée à Haïti

En sanctionnant tardivement, les États-Unis et le Canada rejettent toute la faute sur les “élites corrompues haïtiennes”. Ce discours arrange : il permet d’exonérer la communauté internationale de ses propres responsabilités dans la faillite de l’État haïtien. L’ONU, qui a administré le pays pendant plus d’une décennie, a laissé derrière elle le choléra et un appareil policier impuissant. Washington, qui pèse sur chaque transition, a trop souvent privilégié l’ingérence à la reconstruction.

L’impasse des sanctions

Sanctionner, retirer des visas, geler des avoirs : tout cela fragilise des individus, mais pas forcément le système qui les a produits. Car ce système, c’est l’alliance de la politique, de l’argent sale et du silence international. Tant que la justice haïtienne restera inexistante, ces sanctions ne seront qu’un spectacle diplomatique.

Le peuple haïtien, lui, continue de payer la facture.

By Ralph Siméon

Ralph SIMÉON- journaliste engagé, animateur et entrepreneur. J'ai fait mes premiers pas à Radio Haïti Inter, média emblématique et référence nationale. En France, j'ai cofondé Haïti Tribune avant de rejoindre le service créole de Radio France Internationale ( RFI). Mon parcours incarne un engament constant en faveur de l'information , du lien social et de la valorisation d' Haïti sur la scène internationale.

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