Kinshasa – La justice militaire de la République démocratique du Congo (RDC) a prononcé, mardi 30 septembre 2025, une condamnation historique : l’ancien président Joseph Kabila a été reconnu coupable de trahison et de complicité avec le groupe armé M23. Absent lors de son procès, l’ancien chef d’État a été condamné à la peine capitale au terme d’un procès par contumace.
Un verdict au poids politique majeur
Âgé de 54 ans, Joseph Kabila n’a pas comparu devant la Haute Cour militaire de Kinshasa, et n’était pas représenté par ses avocats. Le tribunal a retenu contre lui des charges lourdes : complicité avec une organisation rebelle, atteinte à la sûreté de l’État, crimes de guerre et participation à une entreprise insurrectionnelle.
Le verdict s’accompagne également d’importantes sanctions financières, dont une amende de plusieurs dizaines de milliards de dollars au profit de l’État congolais.
Un retour inattendu et une opposition affichée
Discret depuis son départ du pouvoir en 2019, Joseph Kabila avait quitté le pays en 2023. Mais en mai dernier, il a surpris en apparaissant à Goma, au cœur du Nord-Kivu et fief du M23, où il s’était posé en opposant frontal du président Félix Tshisekedi.
Dans une allocution en ligne, il avait dénoncé « la dictature en RDC » et s’était dit prêt à « jouer sa partition », ravivant son influence sur la scène politique.
La levée de son immunité et l’ouverture du procès
Fin mai, le Parlement avait levé son immunité en tant que sénateur à vie, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires. Le procès s’est ouvert fin juillet, sous l’impulsion directe du gouvernement, soucieux d’envoyer un signal fort face aux rébellions et à l’opposition.
La condamnation est intervenue alors que le M23, soutenu selon Kinshasa par le Rwanda, continue de mener des offensives meurtrières dans l’est du pays.
Arrestation improbable, exécution incertaine
Si le tribunal a ordonné son arrestation immédiate, la probabilité que l’ex-président soit appréhendé demeure faible. Kabila est réputé se déplacer entre plusieurs pays d’Afrique australe, notamment l’Afrique du Sud et la Namibie.
Bien que le moratoire sur la peine capitale ait été levé en 2024, aucune exécution n’a encore été menée en RDC depuis. Un recours reste possible devant la Cour de cassation, mais il ne porterait que sur la procédure, et non sur le fond de l’affaire.
Entre justice et stratégie politique
Pour le gouvernement Tshisekedi, cette décision est un double message :
à l’intérieur, montrer une ligne dure contre la rébellion et l’opposition ; à l’extérieur, afficher une volonté de fermeté dans un pays où la communauté internationale dénonce régulièrement l’impunité des élites politiques.
Cependant, plusieurs observateurs et ONG s’interrogent sur le caractère équitable de ce procès. « C’est une décision à forte portée symbolique, mais qui risque aussi d’alimenter les tensions politiques et sécuritaires », analyse Ithiel Batumike, chercheur à l’Institut Ebuteli.
Un pays toujours meurtri par la guerre
Depuis plus de trente ans, l’est de la RDC est ravagé par les violences de groupes armés. Le M23, réapparu en 2021, contrôle aujourd’hui de larges portions de territoires. Malgré la signature d’accords de cessez-le-feu, les combats se poursuivent, avec leur lot de massacres, de viols et d’enlèvements.
Les Nations unies ont encore récemment dénoncé des exactions pouvant constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Héritage controversé
Fils de Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila avait accédé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père. Resté près de 18 ans à la tête de la RDC, il avait quitté ses fonctions en 2019 au profit de Félix Tshisekedi. Son influence politique, économique et militaire reste cependant intacte dans de nombreux cercles du pays.