Après plus d’un an de promesses creuses, de consultations fictives et de dépenses sans contrôle, la transition a mis fin au projet de nouvelle Constitution. Près d’un milliard de gourdes se sont envolées dans ce chantier institutionnel sans âme, sans vision et sans résultat.
Le peuple haïtien, qui n’a cessé d’espérer une refondation politique crédible, se retrouve face à un énième scandale d’État : un projet mort-né financé par la misère publique.
La question, désormais, s’impose avec urgence : à qui doit-on demander des comptes ?

Un naufrage politique et moral

Le projet de nouvelle Constitution devait symboliser une rupture avec l’instabilité chronique et les blocages institutionnels hérités de 1987.
Mais au lieu d’une refondation nationale, il a offert au pays une caricature de gouvernance, où l’amateurisme s’est mêlé au gaspillage et où le silence du pouvoir a remplacé la transparence.

Entre les per diem des “experts”, les ateliers de façade et les “consultations” organisées pour la forme, près d’un milliard de gourdes ont été englouties dans un processus qui n’a produit ni consensus, ni légitimité, ni texte cohérent.
Et pendant que la majorité du peuple survit dans la faim et l’insécurité, le pouvoir a transformé la réforme constitutionnelle en entreprise budgétivore et clientéliste.

Un comité sans cap, une transition sans courage

Les membres du comité de pilotage, censés accoucher d’un texte fondateur, ont échoué à accoucher d’autre chose qu’un document bancal et sans colonne vertébrale.
Mais ils ne sont pas seuls à blâmer.
Le Conseil présidentiel de transition (CPT) et les Premiers ministres successifs, qui ont laissé faire ce gaspillage monumental sans jamais encadrer, contrôler ni orienter les travaux, portent une responsabilité politique directe.

Comment expliquer que des autorités ayant juré de respecter la Constitution de 1987 se soient lancées dans une entreprise de réécriture contraire à la loi en vigueur ?
Comment justifier qu’aucune institution de contrôle — ni la Cour supérieure des comptes, ni le Parlement absent — n’ait jamais exigé de reddition de comptes sur les montants engagés ?
L’irresponsabilité est collective, mais elle n’est pas anonyme.

Le problème n’est pas la loi, mais ceux qui la violent

Depuis 1987, plusieurs chefs d’État ont accusé la Constitution d’être responsable de l’instabilité politique.
Mais le véritable problème n’est pas le texte, c’est le mépris des dirigeants pour les règles communes.
Aucune Constitution ne sauvera un pays dirigé par des hommes qui ne respectent ni la loi ni leur parole.

Le projet mort-né de 2025 n’aura été qu’un miroir fidèle de cette faillite morale : un État qui écrit des lois qu’il ne lit jamais, qui vote des budgets qu’il détourne et qui invoque la réforme pour mieux se justifier.

À qui doit-on demander des comptes ?

À ce stade, il ne s’agit plus seulement de dénoncer.
Il faut exiger que la Cour supérieure des comptes ouvre un audit sur la gestion des fonds du projet constitutionnel.
Il faut que les membres du comité de pilotage, les responsables gouvernementaux et les autorités de la transition rendent des comptes, publiquement, devant la nation.

Car l’argent gaspillé n’est pas abstrait : ce sont des hôpitaux non construits, des écoles fermées, des routes abandonnées, pendant que l’État finançait un texte illégal et inutile.
Haïti ne peut plus se permettre l’impunité budgétaire comme méthode de gouvernement.
La République ne se réforme pas dans le secret ni dans le mensonge, mais dans la vérité et la responsabilité.

Constitution enterrée, argent gaspillé : le scandale est total.
Et tant que les responsables ne seront pas nommés, poursuivis ou contraints à rendre compte, le pays continuera d’écrire, à chaque transition, le même scénario : celui du gaspillage, de l’arrogance et de la honte nationale.

By Ralph Siméon

Ralph SIMÉON- journaliste engagé, animateur et entrepreneur. J'ai fait mes premiers pas à Radio Haïti Inter, média emblématique et référence nationale. En France, j'ai cofondé Haïti Tribune avant de rejoindre le service créole de Radio France Internationale ( RFI). Mon parcours incarne un engament constant en faveur de l'information , du lien social et de la valorisation d' Haïti sur la scène internationale.

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