Antananarivo, 11 octobre 2025 – La contestation populaire qui secoue Madagascar depuis près de trois semaines a franchi un cap décisif samedi. Des soldats du Capsat (Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques) ont rejoint les milliers de manifestants dans les rues d’Antananarivo, appelant les forces de sécurité à désobéir aux ordres de tirer sur la population. Cette entrée en scène de l’armée fait planer le spectre d’une crise politique et militaire majeure dans le pays.

Une mobilisation inédite

Né le 25 septembre sous l’impulsion du mouvement Gen Z, le mouvement de contestation avait débuté comme une protestation contre les coupures d’eau et d’électricité. Rapidement, il s’est transformé en une remise en cause de la gouvernance du président Andry Rajoelina et de son équipe.

La manifestation de ce samedi, l’une des plus massives depuis le début du mouvement, a vu les forces de l’ordre recourir aux gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes. Mais l’arrivée de soldats du Capsat, certains brandissant des drapeaux malgaches, a changé la donne. Sous les acclamations de la foule, ils ont condamné la répression et appelé leurs camarades policiers et gendarmes à les rejoindre.

Appel à la désobéissance

Depuis leur base de Soanierana, déjà au cœur d’une mutinerie en 2009 qui avait porté Rajoelina au pouvoir, les soldats du Capsat avaient lancé un appel clair :

« Unissons nos forces, militaires, gendarmes et policiers, et refusons d’être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs. »

Le colonel Michael Randrianirina a accusé la police d’avoir ouvert le feu sur ses hommes, causant la mort d’un soldat et blessant un journaliste. Selon les secours et des médias locaux, le bilan de la journée s’élève à deux morts et 26 blessés.

Le pouvoir sur la défensive

Face à cette montée en tension, le nouveau Premier ministre, le général Ruphin Zafisambo, a assuré que le gouvernement se maintenait « fermement » tout en se disant prêt à dialoguer avec « les jeunes, les syndicats et l’armée ».

De son côté, la présidence a tenté de rassurer en affirmant que Rajoelina est toujours dans le pays et continue de gérer les affaires nationales.

Le ministre des Armées, le général Deramasinjaka Manantsoa Rakotoarivelo, a quant à lui appelé au calme et au dialogue, rappelant que « l’armée demeure un médiateur et constitue la dernière ligne de défense de la nation ».

Un mouvement qui se radicalise

Le mouvement Gen Z, tout en niant toute volonté de coup d’État, exige désormais la démission du président Rajoelina, un dialogue national démocratique et l’accès universel aux services essentiels.

« Nous ne cherchons pas à prendre le pouvoir par la force, mais à libérer la voix du peuple », a déclaré le mouvement dans un communiqué, tout en saluant le « geste historique » du Capsat.

Un pays au bord du basculement

Depuis le 25 septembre, les affrontements entre manifestants et forces de sécurité ont déjà fait au moins 22 morts et plus d’une centaine de blessés, selon l’ONU. Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, a exhorté les autorités malgaches à mettre fin à l’usage « d’une force inutile ».

Alors que les divisions au sein de l’armée rappellent les crises politiques passées, l’avenir de Madagascar semble suspendu à une question cruciale : l’armée choisira-t-elle de protéger le régime ou de se ranger du côté de la rue ?

By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, Rédacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplômé en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. Passionné par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagé.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *