Port-au-Prince, octobre 2025 – Le bâtiment du LNCF transformé en refuge improvisé, loin d’un cadre scolaire digne.
Un an après la fuite, l’école reste fermée
Trois semaines après la réouverture officielle des classes en Haïti, les élèves du Lycée National de Carrefour-Feuilles (LNCF) n’ont toujours pas repris le chemin de l’école. Chassés par les gangs, négligés par les autorités, ils vivent un véritable calvaire éducatif.
Un an après avoir fui leur établissement devenu zone de guerre, ces enfants continuent d’attendre le soutien promis par l’État.
Promesses officielles, aucune action concrète
Depuis plusieurs mois, le directeur et les membres de l’administration multiplient les démarches auprès du MENFP, du FNE et de la Primature. Résultat : trois semaines après la rentrée, les promesses s’accumulent mais rien n’a été fait.
« Nous avons trouvé un local abandonné d’une école privée. Les élèves veulent apprendre, les professeurs veulent enseigner, mais nous n’avons ni bancs, ni tableaux, ni chaises, ni bureaux », confie un membre du personnel administratif, désabusé.
Une rentrée différée qui creuse les inégalités
Alors que la plupart des écoles privées ont repris les cours dès le 1er octobre, les élèves du LNCF restent bloqués. Certains révisent seuls, d’autres se découragent.
« Comment espérer de meilleurs résultats scolaires lorsque des centaines d’élèves sont laissés à eux-mêmes, privés de cours et d’encadrement ? » s’indigne un parent d’élève.
Pourtant, un budget rectificatif a été voté spécialement pour la rentrée, et la Loi de Finances 2025-2026 alloue plus de 17 % du budget national à l’éducation. Mais sur le terrain, ces chiffres restent invisibles.
Le FNE communique, les élèves attendent
Le Fonds National de l’Éducation (FNE) vante des réhabilitations de lycées et des relocalisations d’écoles déplacées par l’insécurité. Mais le Lycée de Carrefour-Feuilles, symbole d’une jeunesse résiliente, n’a reçu aucun appui.
Les élèves, venus de quartiers populaires comme Savane Pistache, Martissant ou Fontamara, continuent d’espérer que l’école les sauvera de la violence. Chaque jour sans classe fragilise un peu plus cette conviction.
Une jeunesse abandonnée à elle-même
Ces jeunes, qui avaient choisi le crayon plutôt que l’arme, attendaient que l’État les soutienne. Aujourd’hui, ils se sentent oubliés, abandonnés, invisibles.
« Nous ne demandons pas des miracles, juste un espace sûr, des bancs et des tableaux pour apprendre », soupire un élève de rhéto rencontré sur le site temporaire.
Un devoir d’État, pas une faveur
L’article 32 de la Constitution haïtienne est clair : « L’État garantit le droit à l’éducation. »
Mais au LNCF, cette garantie est bafouée. Les promesses ne remplacent pas des salles de classe équipées.
Le directeur du lycée, épuisé mais déterminé, appelle à une mobilisation urgente :
« Nous tendons la main à l’État, mais aussi aux organisations nationales et internationales. Le lycée a besoin de soutien matériel pour redémarrer. »
Un test moral et politique pour le gouvernement
Tables, bancs, fournitures, tableaux : les besoins sont criants. Le gouvernement, les institutions éducatives, mais aussi les ONG et partenaires étrangers, doivent agir avant qu’il ne soit trop tard.
Car chaque élève en classe, c’est un avenir en préparation. Chaque élève exclu, c’est un avenir en péril.
Le cas du LNCF est un test moral et politique pour le gouvernement haïtien. Sauver ce lycée, c’est sauver une génération qui refuse de céder à la violence.