« Quand je cesserai de m’indigner, j’aurai commencé ma vieillesse » (André Gide).

Mais encore faut-il savoir s’indigner avec cohérence. À force de brandir l’indignation ad nauseam, certains finissent par révéler que leur boussole morale est à géométrie variable.

C’est le cas de Me Samuel MADISTIN. Président de la FJKL, avocat réputé, il aime à se présenter comme un défenseur infatigable des droits humains. Mais ses indignations ne sont pas toujours universelles : elles s’expriment à sens unique, selon qu’il s’agisse de dénoncer certains hommes politiques ou de protéger ses clients les plus puissants.

Les principes largo sensu

Dans ses discours, Me MADISTIN prêche les valeurs démocratiques largo sensu : respect de l’État de droit, égalité devant la loi, lutte contre l’impunité. Tel le saint chrême, il brandit urbi et orbi ce catéchisme pour affirmer que seule une justice impartiale peut trancher les affaires criminelles.

Ainsi, en février 2025, il saluait l’avis de recherche émis par la DCPJ contre les ex-parlementaires Nenel Cassy et Alfredo Antoine pour le massacre de Kenscoff. En septembre, il s’indignait de la libération de Cassy, dénoncée comme illégale. Posture de principe, apparemment irréprochable.

La pratique sélective

Mais la pratique révèle une autre réalité.

Le mercredi 22 octobre 2025, Me MADISTIN n’a pas hésité à accompagner fièrement Youri Latortue et Joseph Lambert à la Cour d’appel de Port-au-Prince. Plus encore, il a traité les magistrats d’« idiots » et qualifié de « saloperie » la décision d’inviter Latortue à comparaître. Selon lui, ce dossier n’est qu’« une tempête dans un verre d’eau ».

Difficile à comprendre, quand on sait que Youri Latortue est sanctionné par la communauté internationale, accusé depuis plus de 30 ans de trafic de drogue et de détournement massif à l’ONA, sans parler de son nom cité dans l’assassinat du Père Jean-Marie Vincent en 1994.

Autre client de poids : Pierre Réginald Boulos, aujourd’hui écroué aux États-Unis pour ses liens avec le gang « Viv Ansanm », et déjà inculpé en Haïti pour escroquerie et détournement de fonds publics. Mais, curieusement, aucun rapport de la FJKL n’a jamais mentionné ni Latortue ni Boulos.

Deux poids, deux mesures.

Un dangereux salmigondis

Voilà donc un salmigondis moral et juridique : d’un côté, un MADISTIN intransigeant contre Nenel Cassy ; de l’autre, un MADISTIN complaisant avec Latortue et Boulos. Cette indignation sélective n’est pas sans rappeler celle des chancelleries occidentales, promptes à condamner certains crimes et à en oublier d’autres.

En maniant la clarté et l’ambiguïté avec tant d’aisance, Me MADISTIN finit par brouiller son image. Est-il un véritable défenseur impartial des droits humains, ou bien un avocat d’affaires au service des plus fortunés ?

Le choix inévitable

Dans un pays ravagé par l’impunité, on ne peut pas s’ériger en père fouettard pour certains et fermer les yeux sur d’autres. En persistant dans cette posture, Me MADISTIN affaiblit la crédibilité de la FJKL et alimente l’idée que même les défenseurs des droits humains participent, à leur manière, à l’impunité sélective.

Il lui faudra bien choisir :

Soit il assume pleinement son rôle de défenseur impartial des droits humains, dénonçant avec la même force Cassy, Latortue et Boulos.

Soit il accepte d’être vu comme un avocat d’affaires engagé dans un jeu d’intérêts, quitte à galvauder sa crédibilité.

Mais on ne peut pas indéfiniment jouer sur les deux tableaux. C’est cela, l’indignation à géométrie variable.

By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, Rédacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplômé en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. Passionné par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagé.

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