Enquête exclusive d’Alternance Média
Alors que les soldats des Forces Armées d’Haïti (FAD’H) peinent à survivre avec des salaires de misère, le ministre de la Défense, Jean Michel Moïse, multiplie les contrats douteux et les dépenses extravagantes. Selon des documents officiels consultés par Alternance Média, plus de 3,2 milliards de gourdes auraient été décaissés entre décembre 2024 et juillet 2025, souvent au profit d’entreprises fictives ou proches du ministre. Une affaire explosive de corruption qui éclabousse jusqu’au cœur du ministère. Une corruption en bande organisée, révèle l’Enquête d’ » ALTERNANCE MÉDIA « .
Un ministre au-dessus des lois
Le ministre de la Défense, Jean Michel Moïse, haïtiano-américain identifié sous le NIF : 003-943-323-3, est soupçonné d’avoir transformé son ministère en machine à cash.
Plusieurs organisations de défense des droits humains ont déjà porté plainte auprès de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) pour corruption, détournement de fonds publics et abus de biens sociaux.
Le 19 août dernier, un incident a tout révélé : Madame Délinx Joseph, épouse du comptable du ministère, a été arrêtée à l’aéroport Guy Malary avec une valise remplie de billets en dollars et en gourdes.
Selon des sources policières, elle tentait de rejoindre le Cap-Haïtien. Depuis, des émissaires du ministre auraient tenté de soudoyer les enquêteurs de la DCPJ, mais sans succès.
Pourtant, aucune suite judiciaire n’a été donnée par l’ULCC, qui semble temporiser, malgré des preuves matérielles accablantes.
Des dépenses extravagantes pour un ministère à genoux
Entre décembre 2024 et juillet 2025, le ministère de la Défense a ordonné des paiements d’un montant total de 3 208 367 666,25 gourdes — plus de 20 millions de dollars américains — pour des dépenses souvent incohérentes ou totalement fictives.
📊 Tableau récapitulatif des principaux paiements
Entreprise
Objet du paiement
Montant (HTG)
Observation
Blindhasa
4 véhicules blindés
443 517 708,10
Montant exorbitant
Blinde International
7 blindés de combat
447 414 545,40
Près de 900 millions HTG pour 11 blindés
Caribbean Products & Services
Produits alimentaires secs et réfrigérés
280 523 262,70
Livraison non confirmée
Sunauto S.A.
10 Chevrolet Colorado LTZ
101 920 000
Véhicules non visibles sur le terrain
Compagnie Haïtienne de Moteurs
Toyota Land Cruiser blindé
20 597 818,18
Usage inconnu
Les Entreprises CEH S.A.
257 000 gallons d’essence
159 340 000
Livraison introuvable
IRIS Distributions
500 lainages pour soldats
70 465 547,25
Marchandises non livrées
Gloria Catering
Buffet pour mission en Martinique
1 950 000
16 666 gourdes par militaire
Skycar Rent-a-Car
Location de véhicules
2 110 544,10
Loués pour des amis –
C3 Group S.A.
200 livres de Mathias Pierre
1 000 000
Prix gonflé de 40%
Christ Auto Repair
Achat d’outils mécaniques
3 858 176,05
Aucun garage FAD’H recensé
Initiatives pour le Développement de Bombardopolis
Subvention
3 500 000
Organisation dans la proche du ministre
Ministère de la Défense (Service d’intelligence)
Fonds spéciaux
75 000 000
Aucun service d’intelligence existant
Un réseau bien huilé
Selon un militaire haut placé,
« Il n’existe aucun service d’intelligence au sein de la FAD’H. L’argent prévu pour cela est partagé : 50 % pour les amis du ministre, 50 % pour lui-même. »
Les entreprises citées sont, pour la plupart, fictives ou créées récemment.
Les bons de commande et factures sont rédigés à la hâte pour justifier des retraits massifs de fonds publics.
Le contraste indécent avec les salaires des militaires
Pendant ce temps, un soldat touche 30 000 gourdes par mois, une ménagère au ministère 23 000 gourdes, et un colonel environ 90 000 gourdes.
Seuls deux officiers supérieurs dépassent les 100 000 gourdes.
Comment justifier un buffet facturé 1,95 million de gourdes pour 75 personnes, soit 16 666 gourdes par tête, dans un ministère où les soldats manquent d’eau potable et d’uniformes ?
Silence complice et colère montante
Malgré les signalements répétés, l’ULCC garde le silence.
Aucune convocation, aucune mise en examen.
Et pourtant, plus de 80 % des entreprises listées n’ont aucune existence physique ou fiscale.
« Pendant qu’on dort dans la boue, ils roulent en blindés », confie un militaire amer, témoin des dérives internes du ministère.
— Une course contre la montre
La justice doit frapper fort et vite, avant qu’il ne prenne la fuite vers son autre pays, les États-Unis.
Sinon il sera trop tard.
Car 7 février c’est dans 97 jours.
Chaque jour qui passe sans convocation, sans perquisition, sans inculpation , c’est une gifle aux soldats sous-payés et à l’État dépouillé.
Ou la République se ressaisit maintenant, ou elle s’incline devant l’impunité.