Par Willy Desulma, pour Alternance Media TV
Depuis le début de l’année 2025, le secteur public de l’éducation en Haïti est paralysé par une grève généralisée des enseignants et autres personnels éducatifs. Négligés par l’État depuis des années, ces derniers revendiquent de meilleures conditions de travail, une revalorisation salariale, la mise en place d’une carte de débit pour faciliter les paiements, ainsi qu’une régularisation de leur assurance. Alors que le mouvement s’intensifie, il semble sur le point de franchir une nouvelle phase critique.
Des revendications toujours ignorées
Joint par téléphone, Jean Ronald Olysée, porte-parole du Collectif National des Enseignants Haïtiens pour une Éducation de Qualité (CONEHQ), ne cache pas son indignation face au traitement réservé aux enseignants par les autorités publiques. Selon lui, aucun progrès concret n’a été réalisé, et les négociations avec l’État sont dans l’impasse. Il dénonce également le contenu des documents circulant sur les réseaux sociaux, qu’il qualifie de simples réitérations des revendications déjà exprimées par les grévistes.
« Si les autorités n’agissent pas rapidement pour satisfaire nos attentes, la situation risque de s’aggraver dans les jours à venir », déclare Jean Ronald Olysée. Il n’exclut pas la possibilité que ce mouvement se transforme en un véritable soulèvement social, pouvant même conduire au départ du CPT et du gouvernement en place.
Du côté de l’Association Nationale des Normaliens Indépendants d’Haïti (ANNIH), les critiques sont également vives. Leurs représentants fustigent l’inaction des autorités face à une situation qu’ils qualifient de « crise profonde ». Pour eux, les enseignants ne demandent rien de plus qu’un salaire décent et un cadre de travail respectant leur dignité.
Les déclarations Cèdoine FELIXMA président du Collectif des CFEFiens(CO-CFEF) vont dans le même sens. Cet organisations dénonce ce qu’elle considère comme une marginalisation systématique du secteur éducatif par les gouvernements successifs. Toute fois FELIXMA pense qu’ une fois qu’un accord aura été trouvé avec les autorités étatiques, il est recommandé que les professeurs envisagent la possibilité de dispenser des cours supplémentaires afin d’aider les élèves à rattraper les jours de classe perdus en raison de la grève du personnel éducatif.
« Nous assistons à une destruction programmée de l’éducation publique », affirme un représentant de l’UNNOH. Pour sa part, Félix Luxon du Syndicat National des Enseignants Progressistes (SYNEP) exprime son souhait de voir une reprise rapide des cours, mais insiste sur le fait qu’elle ne peut se faire qu’avec des garanties concrètes de meilleures conditions de travail.
Le pays est en grève
Le blocage du système éducatif touche désormais toutes les villes du pays. Les écoles publiques restent fermées, les enseignants et le personnel éducatif refusant de travailler tant qu’aucune mesure concrète n’aura été prise en leur faveur. Pendant ce temps, des milliers d’élèves descendent dans les rues pour protester, exigeant le retour des professeurs dans les salles de classe.
Comme c’est souvent le cas en période de grève, les élèves des écoles publiques appellent à la solidarité des établissements privés. En l’absence de coopération, ces élèves recourent parfois à des moyens coercitifs, forçant les écoles privées à fermer leurs portes. Dans plusieurs villes, ces tensions ont déjà donné lieu à des incidents, amplifiant le climat d’instabilité sociale.
Dans ce contexte de crise, il convient de rappeler qu’un enseignant haïtien gagne entre 135 et 175 dollars américains par mois, dans un pays où l’inflation dépasse les 30 %. À cela s’ajoute une insécurité grandissante, qui rend les conditions de vie encore plus difficiles pour les familles haïtiennes.
En conséquence, les interogations suivantes restent en supens
Combien de temps encore l’État haïtien pourra-t-il ignorer les revendications légitimes des enseignants ?
Quel impact cette grève prolongée aura-t-elle sur l’avenir éducatif des élèves et sur l’économie déjà fragile du pays ?
Jusqu’où ce mouvement pourrait-il aller si aucune solution rapide n’est trouvée
Le gouvernement est-il réellement prêt à faire face à un soulèvement social plus large ?
La situation actuelle soulève des interrogations cruciales pour l’avenir de l’éducation en Haïti. Tandis que les acteurs concernés attendent des réponses concrètes, la grève persiste, laissant des milliers d’élèves sans enseignement et le pays dans l’incertitude.
Willy Desulma, pour Alternance Media TV.
