Des centaines de milliers d’ haïtiens, dont des milliers d’enfants, vivent actuellement dans des conditions terribles en République Dominicaine, après avoir été forcés de quitter leur pays lors de la crise politico-économique particulièrement des manifestations massives et violentes dans les années 2017/ 2018. Ces compatriotes venaient en grande partie de la région métropolitaine , mais pas seulement, d’autres sont issus des autres départements du pays.

Des violations et des abus

Ils sont piégés, soit parce qu’ils sont dans l’impossibilité de renouveler leurs passeports pour être en situation régulière soit parce qu’ils ne peuvent pas retourner en Haïti, en toute quiétude, un pays ravagé par la violence, où tambouille et instabilité politique, l’anarchie et l’impunité permettent aux groupes criminels de prospérer.

De l’autre côté de la frontière , certains migrants haïtiens sont obligés de quitter les grandes villes pour s’enfuir vers des zones montagneuses pour échapper à l’arrestation et la déportation quand d’autres qui habitent des quartiers plus résidentiels restent cloisonnés chez eux pour éviter de croiser la route des agents de l’immigration et de la police dominicaine. Là encore la situation reste compliquée. Selon plusieurs témoignages, la chasse aux haïtiens est quotidienne.Des descendants des lieux et violations de domiciles pour traquer des haïtiens sont constantes. Et lors de ces événements, les autorités dominicaines maltraitent, humilient, insultent et vols : argent, bijoux, téléphones, tablettes, ordinateurs et vêtements avant de les conduire dans des centres de détentions. Et pire encore en cas de contrôle d’identité dans la rue, certains agents d’immigration rackettent les migrants, ils exigent jusqu’à vingt milles pesos en échange de leur libération sans aucune garantie pour la suite. Ainsi, un migrant peut-être contrôlé deux à trois fois dans la même journée, et à chaque fois cette même somme est exigée. Soit on paie soit on part au centre de détention puis expulsé; sans avoir la possibilité de prévenir sa famille, car le téléphone est confisqué .

Des haïtiens bloqués à la frontière entre Haiti et la République Dominicaine

Parmi ces hommes et ces femmes , que nous avons interviewé, il y a Mathieu un Contre-Maitre de 41 ans et sa femme une agronome plus jeune que lui, le couple n’a pas encore d’enfant.

Selon ce technicien qui est arrivé en République Dominicaine, il y a de cela 10 ans à la suite de trois braquages qu’il avait subi en Haïti. L’un en décembre 2014 à Bon- Repos juste à côté du parc Rony Collin , commune de la Croix- des- Bouquets. Ce jour là, le jeune répéteur de machine à coudre pour des usines de la capitale à cette époque , avait failli laisser sa peau, il a été trainé sous des arbres, son agresseur lui avait dérobé sa montre, son téléphone et un billet de gourde qu’il avait dans ses poches, avant de laisser partir. La seconde braquage c’était en 2015 sur le boulevard Jean Jacques Dessalines à côté des frères salésiens , « un type armé m’ avait braqué et m’avait conduit dans un couloir, il me demandait de lui donner de l’argent et tout ce que je possédais . Heureusement j’avais une somme qu’un client m’avait confié la veille pour lui réparer des machines, il l’avait prise avant de me laisser partir ». »Et la troisième et la dernière fois que j’ai été menacé c’était dans la commune de Tabarre,deux mois après la deuxième agression. J’étais accompagné de mon beau frère, qui vit actuellement aux Etats-Unis , le voleur tenait un pistolet dans sa main droite et nous menaçait afin de lui donner de l’argent. Ce dernier avait empoté nos deux passeports et nos deux téléphones « . C’est à ce moment là que j’ai pris la décision de quitter le pays « . Si au début avec son visa d’un an renouvelé chaque année la situation n’était pas si mauvaise, avec la fermeture de la frontière et l’arrêt des vols vers Haïti conjugué avec l’assassinat du président Jovenel Moise , et surtout depuis le début des travaux sur le Canal de la rivière Massacre, que les dominicains contestent, les migrants haïtiens se trouvent dans la tourment , pour celui qui est père d’un enfant laissé derrière lui en Haïti , les chiens sont mieux traités en République Dominicaine que n’importe quel haïtien y compris les étudiants. D’ailleurs beaucoup d’étudiants n’ont pas pu continuer leurs études faute de Visas.

Et d’ajouter avec amertume : «  les haïtiens qui y sont restés, majoritairement des femmes et des enfants, sont en train de mourir de maladies, car ils ne peuvent pas aller à l’hôpital, sont victimes de violences en tout genre, de viols, soumis à l’arbitraire des dominicains qui sont hostiles à notre présence sur le territoire dominicain, à des violences sexuelles, à des extorsions « . Il regrette de ne pouvoir pas remigrer en Haïti, pas peur de se faire tuer avec sa femme, À la question de savoir s’il compte lancer un message aux autorités de Port-au- prince, la réponse est négative. Car disait-Il, il n’attend rien de ces gens là, qui ont abandonné des dizaines de milliers de concitoyens et de conclure en disant nostalgique de Madame Dominique Dupuy éphémère ministre des affaires étrangères haïtiens, qui au moins avait tenté d’affronter les autorités de Santo Domingo.

Un camion du service immigration de la République Dominicaine conduisant des migrants haïtiens en centre de détention

« Si l’enfer existe, il ressemble probablement à un palace, comparé à ce que vivent les migrants haïtiens en République Dominicaine, dans leur quête de l’eldorado sécuritaire «  selon Ronald M un technicien confirmé dans la construction, qui était manager dans une entreprise en Haïti avant de quitter le pays en 2022,

Sa vie a basculé dans l’horreur lorsque des bandits de Canaan, où il vivait avec sa famille, ont fait irruption dans leur maison. Ils leur ont volé leurs biens et leurs documents d’identité, avant de les forcer à prendre à quitter la maison.

Pour cet ancien coordinateur du département d’emballage dans une compagnie textile de la capitale, la situation des migrants haïtiens en République Dominicaine est dû à un ensemble de facteurs :

à) La dangerosité que représente les criminels haïtiens aux yeux des dirigeants dominicains. Donc ils ont peur que des criminels n’infiltrent pas leur territoire.

b) Le décès du président Jovenel Moise par des mercenaires étrangers avec la complicité des hommes d’affaires et politiques haïtiens les poussent à fermer la frontière.

c) Et surtout l’Etat haïtien lui même ne respecte ses ressortissants, et que le pays ne donne l’impression que la situation politique et sécuritaire va s’arranger, au contraire la situation se dégrade de jour en jour.

Pour ce quadragénaire Luis Abinader qui avait fait sa campagne électorale sur le dos haïtiens ne va pas faciliter la tâche des migrants. La seule solution crédible à ses yeux c’est un gouvernement compétant avec des hommes et femmes honnêtes qui peuvent combattre l’insécurité et facilitant la ré migration de tous ce qui le souhaitent. Mais, abasourdi, il croit pas vraiment dans un tel scénario.

Une présence accrue de l’appareil de l’Etat Dominicain

Selon M Ronald «  on ne peut même pas recevoir un transfert d’argent à notre nom, on ne peut acheter un téléphone , on ne peut pas aller à l’hôpital, on ne peut pas aller à l’église, les enfants ne peuvent aller à l’école, les étudiants ne peuvent pas aller à l’université . La présence accrue de l’administration dominicaine, dissuade les migrants . Même ceux et celles qui avaient investi dans petits commerces, ne peuvent pas les exploiter.

Mais la question qu’on devrait se poser peut-on sous-traiter la gestion de nos compatriotes à un pays où l’État est complètement hostile, où les migrants sont l’esclavage dans des champs et aux violences physiques et sexuelles à grande échelle , à la torture , à l’humiliation et à l’assistanat ? C’est là tout le dilemme des migrants. Rester et fermer en laissant humilier, où rentrer en Haïti pour se faire tuer? Aujourd’hui, par le simple fait que les autorités de Port-au- prince ne cherchent aucun dialogue avec Santo Domingo , sont devenues complices de cette situation.

By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, Rédacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplômé en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. Passionné par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagé.