La République d’Haïti, située dans les Caraïbes sur l’île d’Hispaniola, incarne un paradoxe géopolitique : sa position stratégique, nécessaire pour les échanges maritimes et régionaux, coexiste avec une instabilité économique et politique chronique. Partageant une frontière avec la République Dominicaine, Haïti bénéficie d’une ZEE de 126 760, riche en ressources marines sous exploitées, et d’un accès aux routes commerciales reliant l’Europe, l’Amérique du nord et l’Asie. Pourtant, ce potentiel reste bloqué par des crises multidimensionnelles: violences des gangs, gouvernance fragile, pauvreté extrême et vulnérabilité aux catastrophes naturelles.
Cette contradiction trouve ses racines dans une logique historique et géopolitique. Si la position d’Haïti devrait théoriquement faciliter son développement, elle a au contraire servi les intérêts des puissances étrangères, notamment les Etats-Unis. Pendant la guerre froide, Haïti était perçu comme un contrepoids au communisme cubain, justifiant des interventions militaires et économiques. A nos jours, les États-Unismaintiennent une influence indirecte via de l’aide conditionnelle, les partenariats sécuritaires et le contrôle des flux commerciaux, tout en évitant un engagement militaire direct.
La question centrale émerge alors : Pourquoi les Etats-Unis voudraient-ils faire, à tout prix, transformer la position géographique d’Haïti, bien que prometteuse, en un facteur d’instabilité économique et politique? En quoi, la position géographique d’Haïti serait-elle gênant pour les États-Unis s’il y en a de la de stabilité ?
Situation actuelle en Haïti

La situation en Haïti est marquée par une crise multidimensionnelle, avec une montée en puissance des gangs, notamment la coalition « Viv Asanm ». Ces groupes criminels ont intensifié leurs attaques, paralysant le pays et affectant gravement les services publics essentiels comme électricité, l’eau, les soins de santé et l’éducation. En conséquence, les violences ont entrainé une augmentation des meurtres et enlèvements, avec une réponse faible de l’Etat et un système judiciaire inefficace. De plus, la faim et l’extrême de pauvreté poussent des enfants à rejoindre ces groupes criminels, où ils subissent des abus. Selon l’ONU, à partir de son plan de réponse humanitaire pour Haïti, il y a environ 5,5 millions de personnes nécessitant une aide humanitaire, une situation qui est donc désastreuse. En outre, les activités économiques sont perturbées, et la population souffre d’une insécurité alimentaire pointue.Enfin, les efforts pour établir un gouvernement de transition visent à renforcer la sécurité et organiser des élections, pourtant les progrès sont lents.
La position stratégique d’Haïti dans les caraïbes pourrait influencer par les intérêts économiques internationaux, notamment ceux des Etats-Unis. Cependant, la crise actuelle rend difficile toute stabilité politique ou économique, ce qui pourrait être perçu comme un avantage pour certains acteurs externes. En effet, les infrastructures clés comme les ports et aéroports sont souvent attaqués, perturbant les chaines d‘approvisionnements. Par conséquent, la migration interne et externe s’est accrue, notamment parmi les jeunes qualifiés, ce qui aggrave la fuite des cerveaux. De plus, les tensions entre les différents acteurs politiques compliquent la situation, et les intérêts externes pourraient influencer les décisions politiques. Enfin, la crise haïtienne nécessite une attention internationale pour résoudre ses problèmes humanitaires et politiques. Les défis économiques et sécuritaires persistent, et une solution durable nécessite une stabilité et une amélioration de la sécurité.

Les conséquences humanitaires de cette situation sont dramatiques. Selon les données de la Banque mondiale et sur la pauvreté, plus de 645 de la population vit avec moins de 3.65 dollars par jour, et environ la moitié de la population lutte quotidiennement pour se nourrir. En outre, la crise alimentaire est l’une des plus graves au monde, avec 5.4 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire acérée. Les violences sexuelles sont généralisées, et les survivantes ont peu accès à la justice ou aux soins de santé. De plus, les infrastructures essentielles comme électricité et l’eau sont souvent indisponibles, ce qui aggrave la propagation du choléra ; la situation sanitaire est critique, avec seulement 40% de la population ayant accès à l’électricité de manière intermittente. Enfin, les efforts humanitaires nécessitent une mobilisation importante pour soutenir les populations les plus vulnérables. Les enfants sont particulièrement vulnérables, avec des taux élevés de malnutrition et de la mortalité infantile.

Position Géographique d’Haïti
La République d’Haïti occupe la partie occidentale de l’île d’Hispaniola, partageant cette île avec la République dominicaine. Elle s’étend sur une superficie de 27 750 . La géographie d’Haïti est caractérisée par un relief accidenté, avec des chaînes de montagnes et des plaines côtières étroites. Le pays est situé dans une zone sismique active, entre la plaque nord-américaine et la plaque caraïbe, ce qui le rend vulnérableaux tremblements de terre. Les cotes haïtiennes sont baignéespar l’océan atlantique au nord et la mer des caraïbes au sud. La proximité avec Cuba et la Jamaïque facilite les échangesmaritimes. Les infrastructures portuaires et aéroportuaires sont vitales pour le commerce international, bien que souvent traumatisées par les activités des gangs. En plus, la position d’Haïti dans une zone cyclonique expose le pays à des ouragans fréquents. Les ressources naturelles marines sont importantes, mais sous-exploitées. La ZEE haïtienne couvre une surface de 126 760 , offrant des opportunités pour la pêche et l’exploration des ressources marines.
La région des Caraïbes, où se trouve Haïti, est essentielle pour le commerce international, notamment le trafic maritime. Les routes maritimes qui traversent cette zone relient l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, faisant d’Haïti un point stratégique pour les échanges commerciaux. En effet, le trafic aérien est également important, avec des vols réguliers vers les Etats-Unis, le Canada et d’autres pays caribéens. Les ports d’Haïti, bien que sous-développés, ont le potentiel d’accueillir des navires de grande capacité, ce qui pourrait augmenter les exportations et les importations. De plus, la proximité avec le canal de panama facilite le commerce avec l’Asie et l’Europe. Les ressources naturelles d’Haïti, comme les minéraux et les ressources marines, offrent des opportunités pour diversifier l’économie. Cependant, la crise actuelle bouleverse ces activités économiques, affectant négativement le développement du pays. Les investissements étrangers sont nécessaires pour moderniser les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Enfin, la stabilité politique est fondamentalepour attirer ces investissements et renforcer les liens commerciaux avec les pays voisins.
Les intérêts économiques internationaux, notamment ceux des Etats-Unis, sont influencés par la position stratégique d’Haïti. Les Etats-Unis ont des intérêts commerciaux significatifs dans la région, avec des échanges importants en matière de biens et services. La proximité d’Haïti avec les Etats-Unis facilite les exportations des produits agricoles et manufacturés. Les investissements américains dans le secteur touristique et industriel sont également importants, bien que la crise actuelle ait ralenti ces investissements. Les ressources naturelles d’Haïti, comme les minéraux et les ressources marines, sont également un facteur d’attraction pour les investisseurs internationaux. Cependant, la corruption et l’instabilité politique entravent ces efforts. Les partenariats internationaux sont nécessaires pour soutenir le développement économique du pays.
Impact Economique de l’Instabilité
La crise sécuritaire en Haïti a des conséquences dévastatrices, amplifiée par la paralysie des services publics et la fuite des capitaux. Les attaques des gangs ont bouleversé les échanges commerciaux, notamment dans le secteur textile, qui représente 80% des exportations haïtiennes (banque mondiale, 2024). Selon le FMI, le déficit du compte courant s’élève à 3,5% du PIB en 2023, reflétant une dépendance accrue aux importances et une baisse des recettes d’exportations (Trésor économie, 2025). Le PIB haïtien a chuté de 8,5% depuis 2015, avec une contraction de 1,9% en 2023, principalement due à la fermeture des usines textiles et à la perte de contrats avec des marques internationales comme Hanesbrand (IHSI, 2024). Les prévisions du FMI tablent sur une croissance de 1% en 2025, mais cette projection reste fragile face aux défis sécuritaires et politiques, notamment la démission du 1er ministre en 2024.
Les investissements étrangers, déjà rares, ont été découragés par l’insécurité. Le secteur touristique, qui générait 5% du PIB avant la crise, est à l’arrêt, avec la fermeture des hôtels de Port-au-Prince et la suspension des vols internationaux. La coopération internationale, fondamentalepour stabiliser le pays, est entravée par les tensions politiques et la corruption. Par exemple, le fonds de relance de 1,34 milliards de dollars promis par la banque mondiale en 2024 n’a pas été pleinement déployé en raison des retards dans la mise en place d’un gouvernement de transition (banque mondiale, 2024). Enfin, la crise alimentaire, touchant 5,4 millions de personnes, aggrave les inégalités et limite la capacité du gouvernement à répondre aux besoins sociaux (PAM, 2025).
Les infrastructures haïtiennes, déjà fragiles, sont vulnérables aux crises. Les ports et aéroports, essentiels pour le commerce, sont régulièrement attaqués, perturbant les chaines d’approvisionnements. Les données satellitaires du FMI révèlent une baisse de 40% des flux d’importations et exportations depuis mars 2024, due à la paralysie des navires cargos et pétroliers (Trésor économie, 2025). Les services publics comme l’eau et l’électricité sont indisponibles, aggravant la crise humanitaire. Seulement 40% de la population a accès à l’électricité de manière intermittente, selon l’ONU, ce qui limite les activités économiques et la fourniture de soins de santé (ONU, 2025).
Les hôpitaux, attaqués par les gangs, peinent à fonctionner. En 2024, 12 hôpitaux ont été fermés à Port-au-Prince, privant des milliers de patients d’accès aux soins (MSF, 2025). Les réseaux routiers, endommagés par les barrages et les affrontements, limitent l’accès aux zones rurales, où 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (Banque mondiale, 2024). La réhabilitation de ces infrastructures nécessitent des investissements massifs, mais l’instabilité politique et les risques géologiques (tremblement de terre, ouragans) compliquent les projets. Par exemple, le projet de modernisation du port de Port-au-Prince, financé par la Banque interaméricaine de développement, a été suspendu en 2024 après des attaques contre les ouvriers.
Théorie de l’Intérêt Américain
Les Etats-Unis pourraient avoir des intérêts à maintenir une certaine instabilité en Haïti pour contrôler les flux commerciaux et géopolitiques dans la région. Historiquement, Haïti a été perçu comme un contrepoids au Cuba communiste, notamment pendant la guerre froide, où sa position stratégique dans les Caraïbes servait d’ « arrière-cour » sécuritaire pour Washington. Cette logique s’est matérialisée par des interventions militaires, comme l’occupation de 1915 à 1934, qui a permis aux Etats-Unis de contrôler l’administration haïtienne et d’exploiter des ressources clés (chemins de fer, électricité). Aujourd’hui, la crise actuelle, marquée par la montée des gangs et l’instabilité politique, pourrait être instrumentalisée pour maintenir un contrôle indirect sur les routes commerciales et les ressources naturelles. Par exemple, l’exploitation historique du guano sur l’île de La Navase, sans compensation financière pour Haïti, montre une logique d’intérêts économiques prioritaires. Enfin, une stabilité accrue en Haïti réduirait sa dépendance à l’égard de l’aide américaine, ce qui pourrait être perçu comme un inconvénient pour les États-Unis
Une stabilité accrue en Haïti aurait des implications géopolitiques majeures. Premièrement, elle permettrait au pays de réduire sa dépendance à l’égard de l’aide américaine, ce qui affaiblirait l’influence directe des Etats-Unis dans la région. Ensuite, les Etats-Unis pourraient perdre un contrôle sur les flux commerciaux et les ressources naturelles, comme la ZEE haïtienne (126 760), sous exploité en raison de l’instabilité. Cependant, une stabilité accrue attirait davantage d’investissements étrangers, diversifiant les partenariats économiques d’Haïti et réduisant sa dépendance exclusive aux Etats-Unis. Par ailleurs, les relations avec d’autres acteurs, comme la chine et l’union européenne, pourrait se renforcer, offrant à Haïti des alternatives stratégiques. Enfin, la stabilité politique permettrait à Haïti de jouer un rôle plus actif dans les organisations régionales, comme la CARICOM, renforçant ainsi son influence dans les Caraïbes. Donc, ce n’est pas dans l’intérêt des Etats-Unis de laisser Haïti stable économique et politiquement, car ils risquent de perdre toutes ses influences dans la région caribéenne, plus particulièrement sur les flux commerciaux. Face à cette situation controversée, on se demande comment la position stratégique d’Haïti, fondamentale pour le commerce international, pourrait-elle être un levier de développement économique autonome, plutôt qu’être un simple enjeu de contrôle géopolitique pour les Etats-Unis ?