La crise qui se vit en Haïti depuis au moins dix ans est non seulement une crise sécuritaire et politique , mais aussi une crise Économique – Agroalimentaire – Anthropo- Sociologique et Sociale , qui résulte d’une crise intellectuelle et morale de nos élites. Analyse Jeamson LIZINCE, journaliste politique d’ « ALTERNANCE MÉDIA « dans son éditorial, en convoquant les « Théoriciens au pouvoir « de Demesvar Délorme et la « Vocation de l’élite « de Jean Price Mars
Depuis près d’une décennie, Haïti vit des situations que l’on pourrait qualifier de sans pareille. Situation économique précaire, situation sociale et sanitaire horrible, situation éducationnelle néfaste, situation politique désastreuse.
Les manifestions, les incendies, les pillages, les séquestrations, les portés disparus, les fusillades, les assassinats, le vol, le chômage, la misère; Haïti vit, en effet, dans l’instabilité, le deuil, l’inquiétude et le désespoir. Haïti va de mal en pis. Comme si on ne dispose pas d’outils d’éradiquer les problèmes. Comme si on n’est pas assez outillé pour étudier les problèmes et les résourdre.
Mais, voyons ensemble.
D’abord, Demesvar Délorme avec son ouvrage « les Théoriciens au pouvoir ». Dans le dialogue entre deux personnages à savoir Paul et George sur un Homme politique qui est Périclès, Demesvar Delorme fait le portrait homme politique qui est à la hauteur de ses tâches et responsabilités. C’est un homme qui sait agir avec beaucoup d’adresse et d’habilité. Ce Periclès désigne cet homme qui a bien compris la notion d’adversité (en politique). Cela lui permet de faire face et de maîtriser des antagonistes comme Cimon, Thucydide, etc. ainsi que la pérennisation de son pouvoir.
Il a bien compris que, pour maintenir la paix publique, il fallait soustraire la foule, la multitude de l’agitation chronique qui serait un véritable danger pour la république. Ainsi, a-t-il, de manière concrète, procédé pour donner des occupations au peuple.
En cinq étapes, il regroupe les fournisseurs des matières premières (mineurs, bûcherons, etc.), les transformateurs de ces matières (maçons, charpentiers, sculpteur, teinturiers, etc.), les transporteurs des produits (voituriers, charretiers, pilotes, etc.), les travailleurs qui applanissent les routes facilitant le transport (charrons, cordiers, etc.), en dernier lieu, ce sont les marchands et les négociants pour le débit des objets venus de l’extérieur et qui sont indispensables aux travaux.
Cet homme politique de l’antiquité a pu bien profiter de la main-d’œuvre disponible pour le profit de la cité en agissant avec raison sans nuir la dignité des citoyens. La raison lui a permis d’asseoir son autorité à l’interne; à l’externe, c’est sa bonne compréhension de la notion de stratégie et de tactique dans les guerres. En prenant ce cas particulier, on peut dire qu’on est face à un homme compétent.
Maintenant, visitons un autre homme. Et, cet homme, c’est Jean Price-Mars. Il est, en 1917, entré dans le pays. Étant consterné face au désemparement de l’avenir du pays (la jeunesse) en présence de l’occupant, Price-Mars a entrepris de relever la morale de cette jeunesse. Dans « La vocation de l’élite, 1919« , il a constaté une situation de confusion. L’élite qui désigne un ensemble de gens privilégiés qui serait des agents de progrès pour la société est en déroute; elle vit comme un organisme étranger à la Nation. L’occupation Américaine même d’Haïti est l’expression de cette déroute. L’élite a perdu sa vocation de commandement. Elle a perdu aussi sa vocation sociale ainsi que sa mission de représentation et de Leadership; et, surtout, elle souffre d’une verbomanie exagérée.
Le pays se trouve dans une véritable anarchie morale aussi bien qu’une véritable anarchie politique. Même au sein des plus lucides se trouve développée une mentalité méssianique et miraculeuse. Cela désigne parfaitement le cas de Leslie Voltaire, grand architecte -conseiller-président- qui s’est rendu à Rome pour déposer aux pieds de Notre Dame du Perpétuel Secours tous les problèmes auxquels Haïti fait face. Ce comportement n’explique que l’incapacité de l’élite à assumer ses responsabilités.
Car, étant détournée de sa vocation, cela conduit directement à ce que Price-Mars appelle « un régime d’exception ». Il faut comprendre que ce texte de Jean Price-Mars est un texte très actuel où Haïti a à sa tête un conseil de neuf membres appelé Conseil Présidentiel de Transition qui, malgré le nombre, est incapable de soulager la poluation dans ses peines et douleurs. Comme Price-Mars l’a bien constaté, l’élite a été incapable de s’associer pour répondre aux exigences du contexte qui a conduit à l’occupation américaine, le 3 Avril 2024, le Conseil Présidentiel de Transition a été établi sous la direction de CARICOM. L’élite a toujours besoin d’un patron pour répondre à ses aspirations.
Du coup, on peut comprendre que cette crise Haïtienne qu’on qualifie de sans pareille – pas que c’est la gravité de la situation sécuritaire, est dû à une faute d’homme ayant la maturité nécéssaire gérer la situation; c’est la crise. La crise, c’est le fait d’être dans une situation où on n’a personne pour pallier à cette situation. Ce sont les situations -que l’on peut appeler « Problèmes, Défis- qui évaluent nos compétences. Comment comprendre l’existence de trois forces de l’ordre -L’armée, la Police, la force multinationale- sur un même territoire qui ne peuvent même pas récupérer un seul espace occupé par les bandits dans ce contexte de territoire perdu ?
La crise Haïtienne est la somme cummulée de situation -situation sociale, économique, agro-alimentaire, anthropo-sociologique, politique- pour lesquelles on ne dispose aucune compétence. Autrement dit, cette crise Haïtienne dont nous parlons est du domaine de la compétence où la réalité met en question nos bagages intellectuels, morales, etc. Les défis questionnent la société en général; la politique en particulier. C’est l’incapacité d’y répondre qui désigne la crise. Pourtant, le plus instruit, le plus lucide d’une nation, c’est l’élite. Autrement dit, la crise de compétence dont nous parlons est, en fait, une crise d’élite n’assumantpas ses responsabilités. Et, en considérant le cas de Price-Mars, on peut bien comprendre que, depuis les années 1917, le Pays est en état d’alerte.