Les chefs de gangs haïtiens adorent chanter la « Drill « , ce genre musical qui incite à la violence. La Drill a été influencée par des tireurs et des tueurs, notamment , de Chicago. Une vie où la plupart ne dépassent pas l’âge de 21. La jeunesse haïtienne devrait -elle l’embrasser ? Quel rôle pour l’État et les médias ? S’interroge ,dans son éditorial ,Widmayer Joseph Anglade, journaliste culturel « ALTERNANCE MÉDIA « 

 

La musique, comme le cinéma, la littérature, la photographie est le miroir du temps. À travers elle, on peut entrevoir de la société sa perception des choses, ses maux, ses inquiétudes, ses défis autant que ses avancées intellectuelles et artistiques. 

 

Quand on tente de retracer l’histoire de la musique, on est dirigée vers la Mésopotamie 3 000 ans avant J.-C. (Il faut noter qu’on parle de production sonore provenant d’instruments, codifiée et organisée.) Ce parcours nous fait comprendre que l’homme a eu toujours besoin de la musique pour vivre pleinement. 

 

La musique a un impact profond sur la vie sociale des gens à plusieurs niveaux ; elle peut : renforcer les liens sociaux (elle rassemble par son message, son rythme) ; être l’expression culturelle et identitaire (comme le compas pour Haïti, le hip-hop pour les Afro-américains / USA) ; communiquer des émotions (elle rend conscient, elle aide à dégager ce qui peut consumer l’âme) ; créer des communautés (qui se ressemble s’assemble) ; jouer un rôle thérapeutique (la musique peut aider à se sentir bien, compris, compté), etc. 

 

Outre ces aspects de la musique, elle peut tout aussi bien engendrer la haine, promouvoir la violence, inciter des émeutes, véhiculer des valeurs contraires aux normes. Il y a certains genres de musique qui s’inscrivent dans ces lignes anticonformistes. À titre d’exemples, on peut citer : le Rap/Hip-Hop (quand on s’en sert pour glorifier la violence, exposer la sexualité sans borne, idéaliser des comportements criminels) ; Metal (pour son côté sataniste, macabre, nihiliste) ; le Reggaeton ; la Musique électronique / Rave, etc. 

 

Parmi tous ces genres de musiques controversés, on veut ici attirer l’attention de la société haïtienne sur la Drill, en exposant ses intérêts autant que ses méfaits dans notre société actuelle. 

 

La Drill est un sous-genre du Hip-hop qui a pris naissance aux États-Unis d’Amérique, plus précisément à Chicago, au début des années 2010, avant de se populariser en Europe et dans d’autres régions. Cette musique parle de la rue, avec un caractère agressif ; elle raconte les ficelles du trafic de drogue, les affrontements entre les gangs, idéalise le port d’arme illégale, légitimise les crimes et expose la sexualité accentuée d’un machiste sans limite. 

 

Haïti, cette partie de la Caraïbe où la vie est de loin la moins valorisée, où les jeunes filles et femmes sont violées sans qu’il y ait des suivis judiciaires (dans un rapport trimestriel du BINUH Avril-Juin 2024, des prestataires de services indiquent recevoir en moyenne 40 victimes de viol par jour dans certains quartiers de la capitale), cette musique est devenue incontournable parmi les jeunes. Si elle aide les jeunes à s’exprimer librement et, plus particulièrement, les aide à avoir une certaine stabilité économique et un capital social impactant, elle garantit, en revanche, une recrudescence au moins des discours de violence dans les quartiers populaires – et c’est à se demander si elle ne favorise pas quelque peu, en ces temps de violences de gangs, les malversations commises sur les citoyens de partout dans le pays. 

 

Ce sous-genre musical a souvent été controversé dans des régions plus développées et bien plus sereines que celle d’Haïti. Il a été censuré au Royaume-Uni (plus de 500 clips ont été signalés par la police et censurés par YouTube), des tournées de groupe de Drill ont été également annulées en Australie en novembre 2019, etc. 

 

En Haïti, actuellement en proie à des crimes de gangs sur presque tout le territoire national, la musique Drill est reprise par les chefs de gangs qui se sont octroyés le statut d’artiste en promouvant leur droit de tuer pour contrer le système politique en place, semant sur leur passage le deuil et le désespoir sur toute une nation. Les jeunes consomment directement, par des canaux comme YouTube, TikTok, les messages de haines qui leur sont destinés – et les subit du même coup – sans vraiment prendre conscience de la gravité de la situation. 

 

Bien que l’État soit de plus en critiqué et associé avec les gangs par la population haïtienne, interdire des titres qui incitent les jeunes à se munir d’armes à feu ne serait-il pas une action bienveillante et bénéfique à long terme ? Ne serait-ce pas une réaction de justice – parmi d’autres – pour les jeunes femmes, les orphelins, les parents endeuillés, les veuves et les veufs, etc. suite aux violences des gangs ?  

By Joseph Widmayer ANGLADE

Passionné de l’écriture et des arts, Joseph Widmayer ANGLADE est diplômé en journalisme à MAURICE COMMUNICATION. Ce fervent admirateur de la transparence croit fermement à la vulgarisation de l’information ; connaissant l’importance et l’impact qu’elle a sur la vie de tous les jours, il fait du journalisme son métier.