Haïti traverse l’un des pires moments de son histoire récente, marqué par une instabilité croissante et une insécurité généralisée. Dans ce contexte alarmant, Serge Pierre-Louis, ancien candidat à la députation pour la circonscription de Saint-Jean-du-Sud/Arniquet et homme politique engagé, prend la parole pour analyser la situation et proposer des solutions. Invité à l’émission Haïti kibòw Kanpe ce vendredi 30 janvier 2025, il dresse une radiographie des événements marquants de la politique actuelle et critique vivement les déclarations du conseiller Leslie Voltaire. Selon lui, Voltaire se contredit en affirmant que la progression des gangs ralentit alors que les territoires sous leur contrôle ne cessent de s’étendre. Il rappelle que, malgré ces déclarations, la situation sécuritaire reste alarmante, comme en témoignent les récents massacres à Mache Salomon et à Kenscoff, qui illustrent la montée en puissance des groupes armés. De plus, Voltaire demande à la communauté internationale d’augmenter les effectifs et les moyens de la force multinationale en Haïti. Une demande incohérente, selon Serge Pierre-Louis, puisque si l’influence des gangs était réellement en recul, pourquoi réclamer un renforcement militaire ?
Serge Pierre-Louis attribue la gangsterisation du pays à l’incompétence et à l’inaction des gouvernements successifs, notamment ceux issus des régimes Lavalas et PHTK. Il rappelle que les gangs ont commencé à émerger dans les années 2000 et que leur expansion s’est intensifiée au cours de la dernière décennie. Il pointe également du doigt l’incohérence de Leslie Voltaire qui, d’un côté, justifie la mise à l’écart de l’ancien président Michel Martelly en raison des sanctions internationales qui le visent, tout en omettant de mentionner que d’autres personnalités également sanctionnées continuent d’exercer des fonctions stratégiques. Serge Pierre-Louis souligne que certains bénéficient du privilège de nommer des magistrats et d’influencer les institutions locales, ce qui montre une application sélective des mesures internationales et un dysfonctionnement du système politique haïtien.
L’homme politique critique également le silence de Leslie Voltaire sur la question de la dette de l’indépendance lors de ses échanges avec le président français Emmanuel Macron. Il estime que ce manque de fermeté équivaut à une trahison de l’héritage de Jean-Jacques Dessalines. Pour lui, ne pas mentionner cette dette lors des discussions revient à « tuer une seconde fois » le père de la nation haïtienne. Il critique également les structures du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), affirmant que leur engagement dans un processus inconstitutionnel et illégal revient à accepter une « retraite anticipée », orchestrée à leur insu par la communauté internationale. Il dénonce la corruption qui gangrène les partis politiques, où certains vendent des postes ministériels, laissant le pays dans une crise perpétuelle.
Concernant la politique migratoire de Donald Trump, Serge Pierre-Louis estime que l’ancien président américain a réinventé la doctrine de Monroe sous le slogan America First. Toutefois, il précise que les Haïtiens ne figurent pas parmi les principales cibles des restrictions migratoires mises en place sous Trump. Il rappelle que les données montrent qu’Haïti ne fait pas partie des cinq premiers pays comptant le plus grand nombre de migrants illégaux aux États-Unis. Cependant, il appelle les Haïtiens à la prudence face aux incertitudes des politiques migratoires américaines et aux défis rencontrés par la diaspora.
Serge Pierre-Louis conclut en appelant à un profond renouvellement de la classe politique haïtienne. Pour lui, les acteurs traditionnels ont échoué et il est temps de repenser la gouvernance avec de nouveaux leaders compétents et animés par un véritable esprit de changement et d’unité nationale
Par Willy DÉSULMA , Normalien- Économiste et journaliste.