Dans un pays submergé par la violence et l’insécurité, les Haïtiens se tournent de plus en plus vers le vaudou, une religion profondément enracinée dans l’histoire et la culture du pays, pour chercher protection et réconfort.
Dans une petite église dédiée à Saint-Georges, martyr chrétien vénéré à la fois par les catholiques et les vaudouistes, des centaines de fidèles chantent en créole haïtien, leurs prières mêlées au rythme envoûtant des tambours. Cette cérémonie reflète le renouveau d’une religion longtemps marginalisée, mais qui reprend une place centrale dans la société haïtienne face à la montée de la violence des gangs armés.
Le vaudou : une religion résiliente
Le vaudou, né des traditions animistes d’Afrique de l’Ouest et fusionné avec le catholicisme pendant la période de l’esclavage, a longtemps été perçu avec méfiance par les élites politiques et intellectuelles en Haïti. Cependant, face à l’escalade de la violence, cette religion est aujourd’hui une source de réconfort et de résistance pour de nombreux Haïtiens.
Cecil Elien Isac, un oungan (prêtre vaudou) de quatrième génération, note une augmentation spectaculaire de ses fidèles. Lorsqu’il a ouvert son temple à Port-au-Prince, il comptait une poignée de familles. Aujourd’hui, il en regroupe plus de 4 000, en Haïti et parmi la diaspora.
« Les gens viennent pour tout : trouver des proches enlevés, obtenir des médicaments ou simplement demander protection contre les gangs », explique-t-il.
Une religion tournée vers l’action
Lors des cérémonies vaudou, les fidèles invoquent les lwas, des esprits puissants qui agissent comme des intermédiaires entre les humains et le “Bondye” (le Bon Dieu). Des offrandes variées, allant des fruits tropicaux aux collations modernes, sont présentées pour apaiser ces esprits et solliciter leur aide.

L’insécurité croissante a également popularisé Ogou Je Wouj, une manifestation du dieu de la guerre. Ce lwa est invoqué pour sa capacité à protéger et à repousser le mal.
Une force culturelle et historique
Le vaudou a été un catalyseur majeur de la révolution haïtienne, conduisant à l’indépendance du pays en 1804. Aujourd’hui encore, il reste un élément clé de la culture haïtienne, inspirant l’art, la musique et la danse.
Malgré l’absence de statistiques officielles, un adage populaire résume bien son influence : « Haïti est à 70 % catholique, 30 % protestante et 100 % vaudou. »
Une réponse face à l’inaction
Alors que le gouvernement haïtien peine à contenir les gangs qui tuent, kidnappent et terrorisent les citoyens, le vaudou comble un vide, offrant un espace de résistance spirituelle et communautaire. Pour de nombreux Haïtiens, cette religion représente non seulement une source de force intérieure, mais aussi un symbole d’identité et de résilience face au chaos.
En ces temps troublés, le vaudou continue de jouer un rôle central dans la quête de paix et de justice, tout en réaffirmant sa place comme pilier de l’âme haïtienne.