Ce 17 octobre marque le 219ᵉ anniversaire de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, père fondateur de la nation haïtienne, stratège de Vertières et proclamateur de l’indépendance. Celui qui, le 1er janvier 1804, fit jurer à ses compagnons de « renoncer à jamais à la France », est tombé dans un guet-apens au Pont-Rouge, trahi par les siens, mutilé et abandonné. Aujourd’hui encore, son ombre plane sur notre histoire et son cri de liberté résonne dans un pays trahi par les héritiers de ceux qui l’avaient déjà poignardé, analyse, dans son éditorial, Tanes DESULMA, directeur de la rédaction.
De l’expédition Leclerc à l’Empire d’Haïti
En 1802, face à l’expédition Leclerc, Dessalines fut l’un des rares chefs à ne nourrir aucune illusion sur les intentions de Bonaparte : rétablir l’esclavage et l’ordre racial d’avant 1792. La résistance héroïque de la Crête-à-Pierrot, la proclamation de l’indépendance à Gonaïves et la Constitution impériale de 1805 firent de lui le fondateur d’un État noir, libre et souverain, affranchi à jamais du joug européen. Sa politique agraire, sa vision d’une nation sans distinction de couleur—où « tous les Haïtiens seraient désormais connus sous le nom générique de Noir »—scellait le projet révolutionnaire.
La trahison de 1806 et ses héritiers
Mais ce rêve fut trahi dès 1806, lorsque Pétion, Gérin, Rigaud et leurs alliés, avec la neutralité complice de Christophe et Boyer, organisèrent la conjuration fatale. Le poignard planté au Pont-Rouge ne fit pas seulement tomber l’Empereur : il ouvrit la voie à deux siècles de confiscation des terres, d’accaparement de l’État et de sabotage de l’idéal de 1804.
Aujourd’hui, 219 ans plus tard, ce sont les mêmes familles issues de cette bourgeoisie mulâtre qui tiennent encore le pays sous coupe réglée. Elles se sont approprié les richesses, les ports, les douanes, le commerce extérieur, et manipulent l’appareil d’État comme un patrimoine privé. Ces Boulos, Acra, Vorbes, Brandt, Mevs, Coles, Moscosso, Biggio, Baussan, Barreau , Abdallah, Auguste, Braun et consorts continuent de prospérer sur le dos d’un peuple maintenu dans la misère.
Des « idiots utiles » au service de l’oligarchie
Pour se maintenir, cette bourgeoisie a toujours su trouver ses relais politiques et ses « idiots utiles ». Hier Boyer et Blanchet, aujourd’hui Moïse Jean-Charles et Jean-Bertrand Aristide, devenus les béquilles d’un système qu’ils prétendaient combattre. Ces faux tribuns, en livrant le peuple aux calculs de l’élite économique et en ouvrant la porte à l’occupation étrangère, se sont faits les vassaux des intérêts qu’ils prétendaient dénoncer.
L’occupation d’aujourd’hui : un outrage à Dessalines
219 ans après Pont- rouge, Haïti est à nouveau occupée par des forces étrangères, avec la bénédiction de ceux qui se disent héritiers de l’indépendance. L’oligarchie, accrochée à ses privilèges, a armé des gangs pour terroriser les masses, a financé des présidents dociles et a transformé l’État en butin. Pendant que la majorité ploie sous l’insécurité et la faim, eux se partagent les marchés, les ports et les finances publiques.
Dessalines se retourne dans sa tombe
Face à cette trahison permanente, comment ne pas imaginer Dessalines se retournant dans sa tombe ? Lui qui avait juré que « la liberté d’Haïti serait garantie au prix du sang », verrait son peuple réduit en esclavage moderne, dépendant de l’aide étrangère et soumis à une minorité prédatrice.
Le 17 octobre n’est pas seulement un jour de commémoration : il est un jour d’accusation. Accusation contre ceux qui, hier comme aujourd’hui, assassinent l’idéal de 1804. Accusation contre cette bourgeoisie mulâtre et ses complices politiques qui ont transformé la terre de Dessalines en un territoire occupé, pillé et humilié.
Tant que ce système ne sera pas brisé, Dessalines restera un martyr trahi. Et Haïti, une indépendance volée.