C’est une gifle diplomatique en bonne et due forme. En déclarant que « la situation est si grave qu’il faut d’abord rétablir un minimum de normalité », le nouveau secrétaire général de l’OEA, Albert Randin, ne s’adresse pas seulement à la communauté internationale : il expose crûment l’échec du Conseil présidentiel de transition (CPT). Ce diplomate surinamais chevronné, avec 28 ans d’expérience au sein de l’organisation hémisphérique, vient rappeler une vérité que le pouvoir haïtien évite délibérément ;« le pays n’est pas en état d’organiser des élections — il n’a même pas de gouvernement légitime «
Au moment même où le CPT s’acharne à promouvoir un projet de nouvelle constitution, l’OEA insiste sur l’essentiel : « Haïti a besoin d’un exécutif crédible, d’un retour à l’État de droit et de l’aide humanitaire d’urgence ». Avant de penser à voter, encore faut-il reconstruire les bases d’un pays en ruine. Ce message clair, appuyé publiquement par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, sonne comme une condamnation: « tant que le CPT reste en place, toute issue politique restera illusoire ».
Un message sans détour : pas d’élections dans le chaos
Albert Randin n’a pas mâché ses mots. Dans une interview accordée au média spécialisé « The Washington Diplomat » le nouveau patron de l’OEA a lancé une mise en garde limpide : » Haïti ne peut pas organiser d’élections dans le chaos ». À ses yeux, parler de référendum ou de nouvelle constitution dans un pays sans justice, sans sécurité et sans autorité légitime relève de la mascarade. Son appel est direct , « avant toute élection, il faut un gouvernement crédible et un minimum d’ordre ».
Cette déclaration fracassante intervient le jour même où le CPT présentait son projet de constitution, comme si tout allait bien. Un timing brutal, qui révèle un gouffre entre les priorités de la communauté internationale et celles d’un pouvoir haïtien qui s’enferme dans l’illusion d’un processus institutionnel hors-sol.
Washington soutient, le CPT s’enlise
Mais Randin n’est pas seul. Quelques jours plus tôt, le 20 mai, le secrétaire d’État américain Marco Rubio adoptait le même ton devant le Sénat américain. Il affirmait que « l’OEA devait prendre les devants pour restaurer l’ordre en Haïti, avec l’appui du Kenya et d’une mission Régionale « . Les mots sont lourds de sens : « terroristes criminels », « effondrement de l’État », « urgence humanitaire ». À aucun moment, Rubio n’a évoqué des élections comme priorité. Le message est donc clair : le CPT n’est pas la solution, il est une partie du problème.
Pendant que le peuple souffre, le CPT festoie
Et pendant ce temps, que fait le CPT ?
Il distribue des postes à la pelle, multiplie les nominations de complaisance, dépense sans compter dans des festivités alors que la majorité des citoyens vivent dans la peur, la faim ou l’exil. Dernier scandale en date : 400 millions de gourdes gaspillées pour la fête du 18 mai, alors que les enseignants sont tabassés pour avoir simplement réclamé leurs salaires.
Ce contraste est insoutenable. Le peuple souffre dans l’indifférence totale de ceux qui prétendent parler en son nom. Et voilà qu’un diplomate étranger, qui n’a jamais occupé de fonction politique en Haïti, décrit avec une lucidité glaçante ce que nos dirigeants refusent de voir : Haïti est au bord de l’abîme. Il faut arrêter la chute.
: le temps du sursaut ou de la honte
Alors que la communauté internationale appelle à la raison, le CPT s’obstine dans le déni, comme un orchestre jouant sur le pont du Titanic. Mais l’illusion ne tient plus : on ne reconstruit pas une nation sur des ruines politiques et morales. Le message de l’OEA est sans équivoque : avant de parler d’élections, il faut d’abord remplacer ceux qui se servent de l’État au lieu de le servir. Car tant que le pouvoir reste entre les mains de ceux qui gouvernent pour eux-mêmes, aucune urne ne pourra changer le sort du peuple haïtien.