Alors que les dirigeants haïtiens, à travers une note officielle, ont exprimé leur tristesse à la suite de l’effondrement tragique du toit d’une discothèque en République Dominicaine, causant la mort de plusieurs personnes, un profond malaise traverse les esprits. En Haïti, chaque jour, des hommes, des femmes, des enfants et des intellectuels tombent sous les balles ou meurent dans des conditions inhumaines, souvent sans qu’aucune voix officielle ne s’élève. Ils meurent dans les rues, dans leurs maisons, à l’école, à l’église, à l’hôpital ou à l’université. Pourtant, ces morts haïtiennes ne semblent pas mériter de condoléances publiques. Faut-il vraiment être étranger pour que la vie humaine ait du prix aux yeux de ceux qui nous dirigent ?
L’indignation populaire est légitime. Des zones entières du pays : la zone métropolitaine de Port-au-Prince, Kenscoff, Cabaret, Mirbalais, Saut-d’Eau, certaines communes de l’Artibonite sont abandonnées à la violence, au deuil et au désespoir. Des milliers d’Haïtiens fuient leur maison pour échapper aux gangs armés. L’OIM estime à plus d’un million le nombre de déplacés internes à cause de l’insécurité. Des entrepreneurs voient leurs activités réduites à néant, des PME ferment, la capitale se vide, et la population perd espoir. Pendant ce temps, les dirigeants pleurent ailleurs. Cette attitude pousse à poser une question simple mais cruciale : la vie haïtienne a-t-elle cessé de compter dans l’agenda de l’État ?
Pire encore, ceux-là mêmes qui expriment leur douleur face aux drames de pays voisins, ne trouvent aucun mot pour dénoncer les traitements inhumains infligés aux Haïtiens en République Dominicaine. Ces compatriotes y sont humiliés, expulsés comme des bêtes, séparés de leurs familles, souvent sans aucune réaction de l’État haïtien. Comment comprendre cette compassion sélective ? Comment accepter que nos gouvernants s’émeuvent pour les morts d’un pays qui ne cesse d’humilier les nôtres, alors qu’ils restent muets devant le massacre quotidien de leur propre peuple ?
Il est temps que le peuple haïtien comprenne cette trahison silencieuse. Comme le rappelait le professeur Lesly François Manigat, « la véritable crise d’Haïti est celle d’un État qui a cessé d’être national ». Aujourd’hui plus que jamais, cette phrase résonne avec force. Nous ne pouvons plus nous permettre de confier notre avenir à des dirigeants qui ne pleurent pas avec nous, qui ne défendent pas nos morts, qui ne protègent ni notre dignité ni notre territoire. Nous devons réfléchir à une alternative, une autre voie, où le peuple haïtien devient enfin la priorité.