Le Temporary Protected Status (TPS), dispositif humanitaire accordé par les États-Unis à des ressortissants de plusieurs pays en crise — d’Haïti à l’Ukraine en passant par le Venezuela ou le Soudan — devait protéger les plus vulnérables. En Haïti, face à une insécurité et une instabilité politique sans, il est devenu paradoxalement une planche de salut autant pour les déplacés de Carrefour-Feuilles ou de Cité-Soleil que pour certaines des familles les plus riches du pays, qui l’utilisent pour sécuriser leur avenir à Miami, New-York et Boston tout en continuant d’accumuler fortunes et contrats publics à Port-au-Prince, observe dans sa chronique, Ralph Siméon, éditorialiste politique « ALTERNANCE MÉDIA « .

Mais ce programme est aujourd’hui en fin de vie. Déjà sous la présidence de Donald Trump, Washington a affiché sa volonté d’y mettre un terme. Depuis, associations, avocats, lobbys et églises se battent devant les tribunaux pour arracher des prolongations. Ils plaident pour les plus vulnérables : ceux qui, s’ils devaient rentrer en Haïti, seraient livrés à la faim, aux gangs et au désespoir.

Or, dans l’ombre, ce programme humanitaire est devenu aussi le parapluie des élites économiques haïtiennes. Des familles richissimes, qui continuent de faire fortune dans la banque, l’énergie, la santé ou le commerce en Haïti, profitent du TPS pour sécuriser leur avenir aux États-Unis.

Les noms sont connus : les Vorbe, empire énergétique et du BTP, qui prospèrent encore sur les marchés publics ; les Boulos, pilier de la finance, de la santé et du commerce ; sans oublier des proches de Marc-Antoine Acra, ou certains actionnaires influents de grandes banques et opérateurs téléphoniques. Ils encaissent leurs profits à Port-au-Prince mais conservent, grâce au TPS, la possibilité de vivre confortablement et en sécurité à Miami ou Boston.

C’est un paradoxe révoltant. Pendant que des familles de Carrefour-Feuilles ou de Cité-Soleil, chassées par les gangs, s’accrochent désespérément à ce statut comme à une bouée de sauvetage, des milliardaires se présentent aux autorités américaines comme des réfugiés humanitaires. Autrement dit, les victimes réelles du chaos sont mises dans le même sac que ceux qui en tirent profit.

Il y a là un scandale moral et politique. Le TPS n’a pas été conçu pour servir d’assurance-vie à des familles puissantes, mais pour protéger les laissés-pour-compte. Son instrumentalisation par des élites économiques affaiblit la cause des véritables bénéficiaires, et alimente les arguments de ceux qui, à Washington, militent pour l’abolition du programme.

Les États-Unis ne doivent pas mettre un terme au TPS, mais l’assainir. Ce statut humanitaire doit revenir à sa vocation première : protéger ceux qui n’ont aucune autre issue, les familles déplacées, les victimes des gangs, les travailleurs précaires. Il ne peut continuer à servir de bouclier aux milliardaires haïtiens qui, tout en se présentant comme réfugiés humanitaires, accumulent des fortunes sur le dos d’un pays qu’ils refusent d’assumer.

Pendant que le pays crève, ils se frottent les mains et se mettent le TPS en poche. Patriotisme ? Non : plan de sortie.

By Ralph Siméon

Ralph SIMÉON- journaliste engagé, animateur et entrepreneur. J'ai fait mes premiers pas à Radio Haïti Inter, média emblématique et référence nationale. En France, j'ai cofondé Haïti Tribune avant de rejoindre le service créole de Radio France Internationale ( RFI). Mon parcours incarne un engament constant en faveur de l'information , du lien social et de la valorisation d' Haïti sur la scène internationale.

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