Dans l’administration publique, il est essentiel de distinguer entre ajustement de salaire et augmentation de salaire. Un ajustement de salaire correspond généralement à une modification destinée à compenser des facteurs économiques externes, tels que l’inflation, afin de maintenir le pouvoir d’achat des employés. Par exemple, une indexation des salaires sur le coût de la vie permet de préserver le niveau de vie des fonctionnaires face à la hausse des prix. En revanche, une augmentation de salaire est une décision politique visant à revaloriser les rémunérations d’un secteur spécifique, souvent pour reconnaître son importance stratégique ou répondre à des revendications particulières. Cette distinction est cruciale dans le contexte haïtien, où les revendications salariales dans l’éducation sont souvent diluées dans des débats globaux sur la fonction publique.

Il est juridiquement et politiquement possible d’augmenter le salaire d’un secteur sans nécessairement étendre cette mesure aux autres, comme cela a été démontré dans plusieurs pays. Par exemple, au Sénégal, en 2021, le gouvernement a accordé une augmentation salariale uniquement aux enseignants, dans le cadre d’un protocole d’accord signé avec leurs syndicats, visant à stopper une série de grèves. De même, au Burkina Faso, en 2018, le gouvernement a accordé une augmentation salariale aux enseignants après des négociations avec les syndicats, sans étendre cette mesure aux autres secteurs de la fonction publique. Ces décisions visent à reconnaître les défis spécifiques auxquels le secteur éducatif est confronté et à améliorer la qualité de l’éducation dans le pays. En Haïti, l’article 136 de la Constitution de 1987 stipule que le Président de la République, en tant que chef de l’État, veille au respect et à l’exécution de la Constitution et à la stabilité des institutions. Cette disposition confère à la Présidence le pouvoir de prendre des mesures spécifiques pour assurer le bon fonctionnement des secteurs clés, tels que l’éducation, y compris en matière de politique salariale.

Le secteur éducatif haïtien est confronté à des défis majeurs qui justifient une attention particulière en matière de rémunération. Les enseignants travaillent souvent dans des conditions précaires, avec des salaires bas et des retards de paiement fréquents. Cette situation entraîne une démotivation croissante parmi les professionnels de l’éducation et dissuade les jeunes de s’engager dans cette carrière essentielle. De plus, la fuite des cerveaux vers des pays offrant de meilleures conditions de travail affaiblit davantage le système éducatif haïtien. Une augmentation salariale ciblée pour les enseignants pourrait contribuer à inverser ces tendances en améliorant la motivation, en attirant de nouveaux talents et en renforçant la qualité de l’éducation. Cependant, une telle démarche nécessite une volonté politique forte et une gestion rigoureuse des ressources disponibles.

Il est donc impératif que les autorités haïtiennes reconnaissent l’importance stratégique du secteur éducatif et prennent des mesures concrètes pour améliorer les conditions de travail des enseignants. Ignorer les besoins spécifiques de ce secteur sous prétexte qu’une augmentation salariale doit être généralisée à l’ensemble de la fonction publique constitue une approche simpliste et contre-productive. Investir dans l’éducation, notamment par une revalorisation salariale des enseignants, est un investissement dans l’avenir du pays. Une telle démarche est essentielle pour assurer le développement durable et la prospérité d’Haïti.

Références
- Constitution de la République d’Haïti de 1987, Article 136.
- LeFaso.net, 2018 : Accord entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants pour une augmentation salariale. Disponible sur : www.lefaso.net
- Le360 Afrique 2022 : Les enseignants sénégalais reçoivent une augmentation salariale significative. Disponible sur : www.le360.afrique
- Rapport de l’UNESCO, 2011 : Les conditions de l’éducation dans les pays en développement.
Willy DÉSULMA, Normalien-Economiste Enseignant et syndicaliste.