La mort de Wanderson Zamy, élève fraîchement diplômé du Collège Canado-Haïtien, abattu devant le ministère de l’Éducation nationale par un agent de sécurité, a provoqué stupeur et indignation. Dans un pays où l’école devrait être l’ultime refuge et un levier d’avenir, ce drame résonne comme un échec collectif et une gifle à la jeunesse haïtienne.
Une scène irréelle devant le MENFP
En plein après-midi, devant les locaux du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), un agent de sécurité a ouvert le feu lors d’un sit-in organisé par des enseignants stagiaires exigeant leur nomination.
Parmi les balles tirées à hauteur d’homme, l’une a atteint mortellement Wanderson Zamy, élève prometteur qui venait à peine de terminer ses études classiques au Collège Canado-Haïtien.
Une victime innocente
Ce drame est d’autant plus insupportable que Wanderson n’était pas manifestant. Il passait simplement devant l’institution, étranger à la mobilisation.
Sa mort devient ainsi l’illustration brutale d’une jeunesse qui meurt, littéralement, pour rien. Comment expliquer qu’un lieu symbolisant la transmission du savoir devienne le théâtre d’un assassinat aussi absurde ?
Des promesses non tenues, une colère réprimée
Depuis janvier 2025, des enseignants stagiaires issus de l’ENS et du CFEFF réclament leur nomination promise par le ministre de l’Éducation.
Des jeunes diplômés, compétents et formés, sont contraints de manifester indéfiniment pour faire valoir un droit légitime. Mais au lieu d’ouvrir un dialogue, l’État répond par le silence et parfois par la violence.
Ce n’est pas la première fois : l’assassinat de Grégory Saint-Hilaire, étudiant de l’ENS tué en 2020 par les agents de sécurité du Palais national, reste dans toutes les mémoires.
Quelle place pour la jeunesse instruite ?
La mort de Wanderson Zamy pose une question fondamentale : quelle place l’État réserve-t-il à sa jeunesse instruite ?
Dans un pays où l’éducation devrait être le dernier rempart contre l’effondrement, chaque balle tirée sur un élève ou un enseignant symbolise une trahison nationale.
Comme le soulignait Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. »
En Haïti, cette arme est désarmée, bafouée, et parfois transformée en instrument de mort.
Le paradoxe cruel de l’avenir haïtien
Tandis que certains jeunes quittent le pays en quête d’avenir et que d’autres sombrent dans des activités illicites faute de perspectives, rares sont ceux qui persistent dans les études pour espérer participer à la reconstruction nationale.
Ceux-là, loin d’être protégés, deviennent les cibles indirectes d’un État défaillant.
Des questions qui dérangent
- Comment un ministère censé protéger et promouvoir l’éducation peut-il devenir un espace où l’on tue un élève sans défense ?
- Jusqu’à quand la jeunesse haïtienne devra-t-elle payer le prix fort de l’incapacité de l’État à respecter ses engagements envers ses enseignants et ses étudiants ?
- En l’absence de sanction et de réforme, ces assassinats ne risquent-ils pas de devenir une norme, institutionnalisant la violence contre les jeunes instruits ?
Honorer Wanderson Zamy
La mort de Wanderson Zamy ne doit pas être classée comme une simple « bavure ».
Elle appelle à une prise de conscience collective. Pour éviter de nouveaux drames, il est urgent de réformer la gestion des agents de sécurité, de renforcer la responsabilité de l’État face à ses engagements, et surtout, de replacer l’éducation au cœur du projet national.
Comme l’écrivait Amartya Sen, prix Nobel d’économie : « Le développement est la liberté. » En Haïti, refuser la liberté d’apprendre et de vivre en sécurité, c’est condamner tout développement possible.
La jeunesse haïtienne mérite mieux qu’un avenir brisé par les balles.
Honorer la mémoire de Wanderson Zamy, c’est exiger qu’aucun autre élève ne tombe sous les coups d’un système qui devrait l’élever, non l’enterrer.