La rentrée scolaire 2025 en Haïti se fait dans une atmosphère de désespoir : parents ruinés par l’inflation, enseignants abandonnés par l’État, écoles contraintes de fuir l’insécurité. Alors que les promesses du MENFP restent lettre morte, l’éducation nationale s’effrite face aux réalités économiques et sociales. Une année mal commencée pour les élèves et les professeurs, c’est une génération entière mise en danger.
La crise éducative en Haïti ne peut être dissociée du naufrage économique et sécuritaire que connaît le pays. Avec une inflation annuelle oscillant entre 28 % et 29 % en 2025, selon l’IHSI et d’autres sources économiques, le pouvoir d’achat des familles est laminé. De plus en plus de parents doivent renoncer aux frais liés à l’éducation, considérée comme une dépense “non essentielle”. Uniformes, livres, transport : autant de charges devenues insoutenables dans un contexte où la survie quotidienne prend le pas sur l’instruction. Les écoles publiques, quant à elles, sont sous-financées, les enseignants mal payés ou non nommés, sans réponse de l’État.
À cela s’ajoute une insécurité galopante qui pousse des milliers de familles à fuir leurs quartiers, abandonnant commerces et maisons. Dans plusieurs zones, le tissu économique local s’effondre, aggravant la pauvreté. Les petits entrepreneurs ferment leurs portes, les ménages sont déplacés, déstabilisés. Selon des rapports de la Banque mondiale, ces déplacements internes affectent lourdement l’accès aux services essentiels, dont l’éducation. Quand un foyer perd son revenu et sa stabilité, il perd aussi la capacité d’envoyer ses enfants à l’école. L’exode forcé se traduit par une génération sacrifiée, loin des bancs de l’école.
L’éducation sacrifiée sous le poids des dettes sociales
Dans ce contexte, la rentrée scolaire se fait en mode survie. Les parents déjà étranglés par l’inflation tardent à récupérer les bulletins de l’année précédente, faute de pouvoir payer les frais requis. Les enseignants, eux, vivent dans un désarroi institutionnel : traités comme des laissés-pour-compte, sans carte de débit, sans subventions, sans renforcement, malgré un accord signé en janvier 2025 avec le MENFP promesses jamais concrétisées.
Tandis que les employés internes du ministère bénéficient de subventions pour préparer la rentrée de leurs enfants, les enseignants de terrain restent ignorés. Ce contraste inacceptable nourrit la colère dans le corps enseignant : plusieurs professeurs et directeurs menacent de ne pas entrer en classe tant que leurs conditions de travail ne seront pas respectées.
Disparité entre public et privé, absurdités sécuritaires
Dans les écoles privées notamment celles classées comme “grandes écoles” certaines ouvrent malgré tout, souvent dans des lieux de fortune, ayant fui leurs locaux habituels à cause de l’insécurité. Près de 80 % de ces institutions, localisées à Port-au-Prince, opèrent désormais dans des espaces inadéquats, fragiles, instables.
Paradoxalement, certains lycées publics, encore fermés faute de conditions, s’invitent dans les locaux désertés par les écoles privées. Comme si les lycéens publics devaient accepter l’exposition aux projectiles pour étudier. Le contraste est cruel : des écoles bien dotées retiennent leurs portes, tandis que les établissements publics se débrouillent avec ce qui reste.
L’heure de vérité pour l’État haïtien
Cette rentrée en ruines dessine un avenir sombre. Une année scolaire mal amorcée peut rapidement se transformer en une année perdue si ce n’est plus. Le système éducatif, pilier d’un développement durable, est désormais miné par l’indifférence politique et le désengagement financier.
Haïti ne sortira pas du trou sans redonner dignité et moyens aux enseignants, sans réinvestir massivement dans les infrastructures scolaires, sans protéger les familles rendues vulnérables par l’inflation et l’insécurité. Si l’éducation continue d’être traitée comme une “variable d’ajustement” sociale, le pays sacrifiera une génération entière.