Le 30 mai 2025, la Cour suprême des États-Unis a autorisé la révocation du programme humanitaire CHNV, exposant plus de 500 000 migrants — dont des milliers d’Haïtiens — à une expulsion imminente. Un revers tragique pour ceux qui avaient choisi la voie légale et misé sur la promesse américaine. Derrière les discours sur la liberté et l’égalité, la réalité migratoire américaine révèle des logiques d’exclusion profondément enracinées.


Depuis des décennies, les États-Unis occupent une place centrale dans l’imaginaire collectif haïtien.

Ils symbolisent l’espoir, la sécurité, un avenir possible loin du chaos qui mine Haïti. Ce rêve d’Amérique, profondément ancré dans les esprits, pousse chaque année des milliers de nos compatriotes à tout vendre, tout abandonner, pour tenter de rejoindre ce qu’ils croient être une terre d’accueil.

Mais la réalité américaine est tout autre, surtout pour les Noirs, pour les étrangers, et plus encore pour les Haïtiens. Les années récentes ont été marquées par des événements qui rappellent à quel point l’Amérique reste traversée par des logiques de rejet et de discrimination raciale.

La mort de George Floyd en 2020, étouffé sous le genou d’un policier blanc, a révélé au monde entier la violence institutionnelle à l’œuvre. Peu après, des migrants haïtiens, pour la plupart sans défense, ont été pourchassés à la frontière par des agents montés à cheval, dans des scènes qui rappellent l’époque esclavagiste. Cette brutalité a choqué, mais n’a pas surpris.


30 mai 2025 : la Cour suprême brise l’élan du « Programme Biden »

En 2023, le gouvernement Biden avait tenté d’apporter une réponse humanitaire avec un programme spécial d’accueil, connu sous le nom de CHNV (Cuba, Haïti, Nicaragua, Venezuela). En Haïti, on l’a vite surnommé « le Programme Biden ». Pour des milliers de familles, il est devenu un billet d’espoir. Beaucoup ont tout sacrifié pour en bénéficier, croyant que la loi et la régularité leur garantiraient protection et avenir.

Mais voilà qu’une décision tombée le 30 mai 2025 de la Cour suprême américaine vient balayer cette illusion. À majorité conservatrice, la plus haute juridiction du pays a autorisé l’administration Trump à révoquer le statut légal de ces migrants. Ce sont plus de 500 000 personnes qui se retrouvent en suspens, sous la menace d’une expulsion imminente, parfois vers des pays en guerre, en crise ou en désintégration totale — comme Haïti.


Une justice à deux vitesses, un rêve réservé à certains

Les juges progressistes Ketanji Brown Jackson et Sonia Sotomayor ont dénoncé cette décision, soulignant les « conséquences dévastatrices » qu’elle aura pour des centaines de milliers de vies. Mais leur voix minoritaire n’a pas suffi à infléchir la machine judiciaire.

Ce traitement révèle une vérité dérangeante : les États-Unis ne sont pas cette terre d’égalité et de justice qu’ils prétendent être. Le rêve américain n’est pas universel. Il est réservé à certains, excluant trop souvent ceux qui, justement, en auraient le plus besoin.


L’Haïtien qui migre ne cherche pas à fuir par confort. Il cherche à survivre.

En Haïti, l’insécurité est généralisée. L’économie est en lambeaux. L’accès à la santé, à l’éducation, à une vie décente est un luxe que la majorité ne peut plus se permettre. Migrer n’est pas un choix — c’est une urgence.

Face à cette réalité, l’accueil ne devrait pas être un privilège, mais un devoir moral. Un devoir, surtout envers ceux que l’histoire, la géopolitique et le commerce mondial ont déjà tant de fois marginalisés.


Ce que cette décision exige de nous tous

Nous ne pouvons pas rester silencieux. Cette décision de la Cour suprême ne concerne pas uniquement des textes de loi : elle engage des vies humaines, elle interroge notre humanité. Elle impose une réponse collective — de la société civile haïtienne, de la diaspora, des médias, des citoyens — pour exiger un traitement digne et juste.

Ceux qui migrent légalement, avec courage et dignité, ne devraient pas être punis pour avoir cru en l’État de droit.

By Jeamson LIZINCE

Jeameson LIZINCE est expert en gestion de projet, diplômé en gestion des ressources humaines, étudiant en science politique à IERAH ( Université d' État d 'HaÏti ) et journaliste politique d' ALTERNANCE MÉDIA