Comment Washington a tenté de détourner l’avion présidentiel 

— C’est une révélation digne d’un scénario hollywoodien. L’agence Associated Press a dévoilé, mardi 28 octobre 2025, qu’un agent fédéral américain avait tenté de soudoyer le pilote personnel de Nicolás Maduro pour détourner l’avion présidentiel vers un territoire contrôlé par les États-Unis. Objectif : capturer le chef d’État vénézuélien, inculpé depuis 2020 de « narcoterrorisme ».

Promesse sur la table : 50 millions de dollars. Résultat : un échec retentissant.

Une tentative d’opération clandestine

Selon l’enquête d’Associated Press, l’affaire débute en 2024. Les services américains s’intéressent à plusieurs avions gouvernementaux vénézuéliens envoyés en entretien en République dominicaine.

C’est là qu’intervient Edwin Lopez, agent du Département américain de la Sécurité intérieure (HSI), basé à l’ambassade de Saint-Domingue. Il prend contact avec le général Bitner Villegas, pilote principal de Maduro, et lui propose un marché : détourner l’avion présidentiel lors d’un vol officiel vers Porto-Rico, la République dominicaine ou encore la base navale de Guantánamo, à Cuba.

L’appareil, une fois posé, aurait permis aux autorités américaines de procéder à l’arrestation du président vénézuélien et de l’extrader vers les États-Unis. Washington accuse en effet Maduro et plusieurs membres de son entourage de participer à un vaste trafic de cocaïne en lien avec les guérillas colombiennes.

50 millions de dollars et une promesse de protection

L’offre était aussi mirobolante que risquée : 50 millions de dollars en échange de la livraison du chef de l’État. Selon AP, les discussions se sont poursuivies pendant plusieurs mois par messagerie chiffrée.

Mais le général Villegas n’a jamais donné suite. Resté loyal à Maduro, il a fini par regagner Caracas.

En parallèle, deux avions vénézuéliens stationnés en République dominicaine ont été saisis par la justice américaine, en septembre 2024 et février 2025. Un signe que Washington multipliait les pressions, espérant fragiliser l’entourage présidentiel.

Pourquoi l’opération a échoué

Plusieurs raisons expliquent le fiasco de ce plan digne d’un roman d’espionnage :

Loyauté de l’entourage : Villegas est un officier de confiance, haut placé dans la garde présidentielle. Miser sur sa trahison était irréaliste. Complexité logistique : détourner un avion présidentiel sans alerter la défense aérienne ni provoquer d’incident diplomatique majeur relevait de la mission impossible. Coût politique : en cas de fuite, l’affaire pouvait se transformer en scandale international — ce qui est désormais le cas.

Les enjeux derrière le complot

Pression américaine constante

Depuis l’inculpation de Maduro en 2020, les États-Unis multiplient sanctions, saisies d’actifs et actions indirectes. L’opération dévoilée illustre la volonté de Washington d’aller plus loin, quitte à franchir des lignes rouges.

La carte militaire : le Gerald R. Ford dans les Caraïbes

Un élément majeur complète ce tableau de tensions : la présence du porte-avions USS Gerald R. Ford, le plus grand navire de guerre du monde, actuellement déployé en mer des Caraïbes.

Officiellement, Washington justifie ce positionnement par la lutte contre le trafic de drogues transatlantique. Mais pour de nombreux observateurs, la véritable mission est claire : mettre une pression militaire directe sur Caracas et préparer, si nécessaire, une opération visant à précipiter la chute de Nicolás Maduro.

La proximité de ce mastodonte naval, doté de chasseurs F-35 et d’un dispositif logistique colossal, constitue un avertissement stratégique autant qu’un moyen de dissuasion.

Question de souveraineté

La tentative de détournement et la présence militaire américaine soulèvent une question explosive : un pays peut-il commanditer l’arrestation d’un président en exercice tout en déployant un dispositif naval à ses frontières ? Pour Caracas, la réponse est claire : c’est une « preuve supplémentaire de l’agression impérialiste ».

Signal à la région

Même ratée, l’opération envoie un avertissement aux alliés et adversaires des États-Unis : aucun dirigeant n’est hors de portée. De quoi pousser les partenaires du Venezuela — Cuba, Russie, Chine — à renforcer leur soutien.

Quelles suites pour Maduro et la région ?

À Caracas, Nicolás Maduro devrait renforcer encore la sécurité de ses déplacements et exploiter cette révélation pour resserrer les rangs autour de lui.

Pour l’opposition vénézuélienne, l’affaire est à double tranchant : certains y verront un espoir de voir Washington déterminé, d’autres redouteront d’être accusés de complicité avec une puissance étrangère.

En Amérique latine, cette tentative ratée et le déploiement du Gerald R. Ford rappellent les heures sombres de la guerre froide, lorsque coups d’État, interventions navales et opérations secrètes dictaient les rapports entre Washington et ses voisins du Sud.

Une guerre de l’ombre qui se militarise

En définitive, l’échec de ce projet n’efface pas l’essentiel : les États-Unis considèrent toujours Nicolás Maduro comme un « criminel international », et sont prêts à employer des moyens extrêmes pour l’écarter du pouvoir.

Mais désormais, à la guerre de l’ombre s’ajoute une dimension navale et militaire, avec le plus puissant porte-avions américain croisant aux portes du Venezuela.

By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, Rédacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplômé en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. Passionné par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagé.

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