– Dans la nuit du dimanche 3 août, neuf personnes ont été enlevées dans un orphelinat situé à Kenscoff, dans les hauteurs au sud-est de Port-au-Prince. Parmi les victimes : une missionnaire irlandaise, sept employés haïtiens et un enfant de trois ans en situation de handicap.
Le rapt s’est produit à l’intérieur de l’orphelinat Sainte-Hélène, géré par l’organisation humanitaire Nos petits frères et sœurs, une institution respectée qui accueille près de 270 enfants, dont une cinquantaine vivent avec un handicap. Selon les premières informations recueillies, les assaillants ont pénétré dans l’établissement aux alentours de 3h30 du matin, sans ouvrir le feu. Ils ont percé un mur pour accéder au bâtiment de la responsable avant de repartir avec les otages.
Une missionnaire dévouée, enlevée avec ses collaborateurs
La principale victime identifiée est Gena Heraty, missionnaire d’origine irlandaise, installée en Haïti depuis 1993. Elle est responsable des programmes destinés aux enfants et jeunes adultes en situation de handicap. Son engagement humanitaire, reconnu bien au-delà des frontières haïtiennes, a fait d’elle une figure emblématique de la solidarité internationale sur le territoire.
Les autres victimes sont sept membres du personnel haïtien de l’institution et un jeune enfant handicapé, âgé de seulement trois ans.
Un crime planifié, sans revendication immédiate
D’après les autorités locales, dont le maire de Kenscoff Massillon Jean, il s’agirait d’une opération « clairement planifiée ». Aucun groupe n’a revendiqué l’enlèvement, et aucune demande de rançon n’a été formulée jusqu’à présent. Toutefois, Mme Heraty aurait brièvement communiqué avec des collègues dimanche matin, confirmant le rapt.
Les gangs imposent leur loi, l’État reste impuissant
Cet enlèvement s’inscrit dans une série d’attaques et de kidnappings perpétrés par les gangs armés qui sévissent en toute impunité à travers le pays. Même les zones autrefois considérées comme relativement sûres, comme Kenscoff, sont désormais atteintes par cette spirale de violence.
En avril 2021, dix personnes, dont deux prêtres français, avaient déjà été kidnappées à Croix-des-Bouquets par le gang 400 Mawozo. Quelques mois plus tard, seize missionnaires américains et un Canadien avaient été enlevés par ce même groupe.
Face Ă cette montĂ©e de l’insĂ©curitĂ©, les forces de l’ordre haĂŻtiennes apparaissent dĂ©bordĂ©es, mal Ă©quipĂ©es, voire absentes dans certaines zones. L’État, paralysĂ© par une crise institutionnelle et politique majeure, semble incapable de remplir ses fonctions rĂ©galiennes les plus essentielles, notamment la protection des plus vulnĂ©rables.
✍️ – Quand même les orphelinats ne sont plus épargnés
Il y a quelque chose de profondément révoltant dans cet enlèvement : qu’un lieu dédié à l’accueil des enfants abandonnés, dont plusieurs en situation de handicap, devienne une cible pour des criminels sans foi ni loi, montre à quel point Haïti a franchi un seuil dangereux.
Les humanitaires, souvent les derniers à tenir debout dans ce pays meurtri, sont désormais dans la ligne de mire. Gena Heraty, cette femme venue de loin pour servir les plus faibles, en est la preuve. Et avec elle, c’est toute une génération de travailleurs sociaux, d’enseignants, de soignants et de bénévoles haïtiens qui risquent de baisser les bras.
Si rien n’est fait, demain, ce ne seront pas seulement des enfants que les gangs kidnapperont, ce sera l’espoir même d’un avenir pour Haïti.