Port-au-Prince / Washington
Jimmy Chérizier, 48 ans, ancien policier devenu chef de gang et figure centrale de la coalition armée Viv Ansanm, est désormais officiellement dans le viseur de la justice américaine. Ce mardi 12 août, la Procureure fédérale Jeanine Pirro a annoncé son inculpation par un grand jury à Washington DC, pour avoir orchestré un vaste complot de financement de ses opérations criminelles en violation des sanctions américaines. À ses côtés dans l’acte d’accusation : Bazile Richardson, 48 ans, citoyen américain naturalisé, arrêté en juillet à Houston, Texas.
Un chef de gang classé comme “terroriste”
Depuis décembre 2020, Barbecue figure sur la liste noire du Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC) du Trésor américain, désigné comme « ressortissant spécialement sanctionné » pour graves violations des droits humains en Haïti, notamment le massacre de La Saline en 2018. L’administration Trump avait déjà qualifié Viv Ansanm d’« organisation terroriste ». Cette désignation interdisait à toute personne aux États-Unis de traiter avec lui sans autorisation expresse du Trésor.
Une enquête lancée en 2022
L’acte d’accusation dévoilé le 12 août est le fruit de près de trois ans d’enquête. Les procureurs affirment que Chérizier et Richardson ont sollicité directement des transferts d’argent auprès de membres de la diaspora haïtienne aux États-Unis. Ces fonds, acheminés via des intermédiaires en Haïti, servaient à payer les salaires des membres de Viv Ansanm et à acquérir des armes auprès de trafiquants locaux. Les Nations unies attribuent à cette coalition la mort de plus de 5 600 personnes en 2024 et déjà plus de 3 000 victimes en 2025.
La traque américaine
Le FBI a annoncé une prime de 5 millions de dollars pour toute information menant à la capture de Chérizier. « Les acteurs violents comme Chérizier et ses associés doivent comprendre qu’il n’y a pas de refuge sûr », a déclaré Darren Cox, directeur adjoint par intérim des enquêtes criminelles. Les autorités appellent toute personne disposant d’informations à contacter le FBI, insistant sur la possibilité de le faire « en toute sécurité ».
Un geste à portée géopolitique
Au-delà de la dimension judiciaire, cette action confirme la stratégie de Washington : s’impliquer directement dans le dossier sécuritaire haïtien, en parallèle de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) pilotée par le Kenya. Elle traduit aussi un constat accablant : depuis des années, Barbecue circule librement à Port-au-Prince, donne des interviews et mobilise ses partisans… sans qu’aucune autorité haïtienne ne parvienne à l’arrêter.
L’inculpation et la prime de 5 millions de dollars placent Jimmy Chérizier dans la catégorie des fugitifs les plus recherchés au monde. Mais au-delà de la chasse à l’homme, c’est une bataille symbolique : celle entre l’impunité qui ronge Haïti et la volonté affichée d’une justice étrangère de faire tomber l’un des symboles du chaos haïtien. Reste à savoir si cette offensive judiciaire marquera le début de la fin pour Barbecue, ou si elle ne fera que renforcer son aura de chef insaisissable dans un pays où la loi a depuis longtemps perdu son autorité.