Louis GĂ©rald Gilles s’efforçait de maintenir Ă  flot une frange de l’accord du 21 dĂ©cembre, dĂ©jĂ  profondĂ©ment divisĂ©e, tout en se posant en prĂ©sident de facto et interlocuteur exclusif du Conseil PrĂ©sidentiel de Transition. Mais cette stratĂ©gie vient de s’effondrer. Le 21 dĂ©cembre se restructure autour de Me AndrĂ© Michel, et acte une rupture nette avec le CPT, dans un contexte national au bord de l’effondrement.

IsolĂ© sur l’échiquier politique, Louis GĂ©rald Gilles voit aujourd’hui sa lĂ©gitimitĂ© contestĂ©e de toutes parts. Le dernier noyau de soutien dont il bĂ©nĂ©ficiait au sein de l’accord du 21 dĂ©cembre vient de voler en Ă©clats. DĂ©sormais, c’est Me AndrĂ© Michel qui reprend la main sur ce regroupement, aprĂšs avoir pris ses distances avec le Conseil PrĂ©sidentiel de Transition (CPT) dĂšs sa formation.

Le 15 juin 2025, une note commune signĂ©e par plusieurs personnalitĂ©s issues de l’accord du 21 dĂ©cembre acte cette rupture. Parmi les signataires : Pascal Adrien, Sorel Jacinthe, Novia Augustin, Eddy Jackson Alexis, Marjorie Michel, Serge D. Gaspard, Joseph Domingue Orgella, encore Kenol Matthieu ou encore AndrĂ© Michel.Tous dĂ©noncent un Conseil PrĂ©sidentiel « devenu un obstacle au redressement du pays » et appellent Ă  la reprise urgente d’un dialogue national, sous mĂ©diation internationale.

đŸ”» Une gouvernance Ă  la dĂ©rive

Le ton est grave, et le constat implacable. Alors que le pays traverse une crise politique, sĂ©curitaire et humanitaire sans prĂ©cĂ©dent, les signataires de l’accord dressent un portrait alarmant de la situation nationale :

  • 1,3 million de dĂ©placĂ©s internes, dont 147 000 dans le seul dĂ©partement du Centre, victimes des violences Ă  Mirebalais, Saut-d’Eau et leurs environs.
  • Une inflation de 26,8 %,
  • Une croissance nĂ©gative estimĂ©e Ă  -2,5 % au premier trimestre,
  • Et un effondrement des investissements privĂ©s de -36,3 %.

La justice est paralysĂ©e, les tribunaux abandonnĂ©s, et l’État a perdu le contrĂŽle de larges portions du territoire. Pour les signataires, cette rĂ©alitĂ© suffit Ă  dĂ©montrer l’échec du CPT, accusĂ© d’ĂȘtre gangrenĂ© par les conflits internes et les intĂ©rĂȘts personnels.

🌐 La Caricom tente une reprise en main

Dans ce climat de blocage, la Caricom, via son Groupe des PersonnalitĂ©s Éminentes (GPE), relance des pourparlers avec les principaux acteurs de la scĂšne politique haĂŻtienne : Me AndrĂ© Michel, Jean AndrĂ© Victor, Claude Joseph, ainsi que plusieurs reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile.
L’objectif : jauger les intentions des diffĂ©rents camps et relancer un cycle de dialogue national inclusif.

Si aucun calendrier officiel n’a encore Ă©tĂ© fixĂ©, les signataires du 21 dĂ©cembre rĂ©clament un cadre structurĂ© et crĂ©dible, loin des simulacres d’inclusion du passĂ©.

đŸ—łïž Constitution, rĂ©fĂ©rendum, Ă©lections : des rĂ©formes vidĂ©es de sens ?

Le 21 dĂ©cembre ne rejette pas l’idĂ©e d’une nouvelle Constitution ni celle d’élections gĂ©nĂ©rales. Mais il alerte sur la lĂ©gĂšretĂ© avec laquelle ces questions sont abordĂ©es dans un climat aussi instable.
Selon les signataires, les premiĂšres consultations autour de l’avant-projet constitutionnel manquaient de transparence et d’inclusivitĂ©. En l’absence de sĂ©curitĂ© et de sĂ©rĂ©nitĂ©, la rĂ©forme risque d’ĂȘtre vidĂ©e de sa substance.
Ils estiment que le référendum constitutionnel ne pourrait raisonnablement se tenir avant le 7 février 2026.

đŸ€ Un appel au sursaut collectif

Au-delĂ  des critiques, la note du 15 juin 2025 se veut aussi une main tendue.
Les anciens alliĂ©s de GĂ©rald Gilles appellent Ă  un vĂ©ritable sursaut national, Ă  la reprise d’un dialogue sincĂšre, structurĂ© et encadrĂ© par des partenaires internationaux. Ils reconnaissent l’échec du chemin empruntĂ© et affirment qu’il est encore possible de sauver la transition, Ă  condition d’en revoir les bases.

🧹 Un effondrement annoncĂ©, mais pas inĂ©vitable

L’Histoire jugera les ambitions mal maĂźtrisĂ©es, les calculs personnels et les rendez-vous manquĂ©s. Mais elle n’offrira aucune indulgence Ă  ceux qui, face Ă  l’urgence, auront choisi l’aveuglement ou l’inaction.
Si rien ne change, ce ne sera pas seulement la transition qui Ă©chouera, mais l’idĂ©e mĂȘme d’une issue politique pacifique pour HaĂŻti.

By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, RĂ©dacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplĂŽmĂ© en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. PassionnĂ© par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagĂ©.