Il est des scandales qui disent tout d’un pays. L’affaire qui éclabousse aujourd’hui la Caisse d’Assistance Sociale (CAS)n’est pas qu’un simple épisode de mauvaise gestion : elle révèle une fois de plus le visage hideux du népotisme et de la prédation institutionnelle en Haïti.
À peine installée en février 2025, la directrice Erzile Rémy aurait distribué près de 69 contrats de 150 000 gourdes chacun, non pas aux plus compétents, ni aux plus nécessiteux, mais à ses proches, à son frère José Rémy, et à des alliés politiques; notamment Wilner Joseph, considéré comme un homme d’influence auprès du Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé. Le tout avec des contrats antidatés pour exiger un paiement intégral, dans un budget déjà insuffisant.
Le résultat est accablant : six mois d’arriérés de salaire pour les anciens employés de la CAS et des milliers de bénéficiaires laissés-pour-compte, privés de l’aide minimale à laquelle ils ont droit. Comment une institution censée protéger les plus vulnérables peut-elle se transformer en banque privée pour clans familiaux et réseaux politiques ?
Pire encore, cette affaire survient dans la foulée de l’arrestation de l’ex-directeur Elionor Devallon, également accusé de malversations. Autrement dit : la corruption n’est pas une dérive ponctuelle, mais un mode de gouvernance enraciné.
Il ne s’agit plus seulement de pointer du doigt des individus, mais de poser la question de fond : à quoi sert la CAS aujourd’hui ? Est-elle encore au service du peuple ou devenue un guichet de privilèges au service des puissants ?
La réponse est cruelle, mais urgente : sans réformes structurelles profondes, sans sanctions exemplaires et sans rupture avec le clientélisme, la CAS restera ce qu’elle est devenue — un symbole de l’État qui trahit les plus faibles.