Ce n’est pas un simple incident isolé à l’aéroport de Miami. L’agression verbale contre André Michel révèle un fait politique majeur : dans le chaos organisé de la transition haïtienne, certains n’acceptent toujours pas que l’on nomme les vrais responsables de l’impunité, des violences et du pillage de l’État.

principal dirigeant du Secteur Démocratique et Populaire, représentant officiel de l’accord du 21 décembre, il a été agressé verbalement ce lundi par un partisan de l’ancien président Michel Martelly. Cet incident survient à la veille de l’ouverture de négociations politiques majeures, sous l’égide de la CARICOM.


L’image est saisissante : une femme arborant fièrement les couleurs du régime Tèt Kale invective André Michel, dans un espace international, sous le regard de témoins médusés. Ce n’est pas seulement une manifestation de haine politique : c’est un signal envoyé à l’ensemble des acteurs qui oseraient encore défier les alliances de l’ombre qui structurent aujourd’hui la transition haïtienne.

Car la réalité est là, brute : André Michel est devenu la cible désignée, non pas parce qu’il aurait « trahi » un quelconque courant, mais parce qu’il demeure l’un des rares à dénoncer frontalement les connivences avec les gangs, les pratiques mafieuses, les recyclages politiques et les stratégies d’impunité.


Le courage d’un contre-pouvoir

On peut, bien sûr, ne pas partager toutes les orientations d’André Michel ou du SDP. Mais il faut reconnaître, en toute objectivité, que peu de figures politiques aujourd’hui s’expriment aussi clairement contre l’extension du pouvoir des bandes armées, contre les nominations opaques, ou encore contre les tentatives de « normalisation » d’une criminalité politique largement tolérée.

Dans un pays où tant d’acteurs publics ont appris à composer avec l’inacceptable pour survivre ou préserver leurs intérêts, la parole dissidente dérange. Elle fait peur. Et elle doit être isolée, salie, disqualifiée — si possible, en dehors même des arènes politiques formelles, là où l’émotion supplante le débat.


Une transition sous influence

Le Conseil Présidentiel de Transition, censé représenter un équilibre, est aujourd’hui contesté dans sa légitimité comme dans sa méthode. Et les négociations qui s’ouvrent avec la CARICOM pour sa refondation ne manqueront pas de réveiller les ambitions les plus féroces.

Dans ce contexte, il est clair qu’André Michel, en tant que représentant officiel de l’accord du 21 décembre, gêne plusieurs agendas. Sa position ferme, son réseau populaire et son refus des compromis avec les structures de la criminalité organisée en font un obstacle à éliminer symboliquement.


Ce qui est en jeu : l’espace démocratique

Ce qui s’est produit à Miami dépasse donc la personne d’André Michel. Ce qui est visé, c’est la possibilité même d’un espace démocratique où les voix critiques, même minoritaires ou controversées, peuvent s’exprimer librement. Ce qui est attaqué, c’est le droit pour un citoyen ou un représentant politique de dénoncer l’alliance mortifère entre politique et banditisme sans subir la vindicte orchestrée des clans.

Il revient aux acteurs de la société civile, aux médias, aux partis politiques honnêtes et aux partenaires internationaux de ne pas se taire face à ces dérives. La démocratie haïtienne, aussi imparfaite soit-elle, ne peut se reconstruire sur la peur, le silence et la complicité.

L’incident de Miami soulève ainsi des préoccupations quant à la capacité du processus en cours à garantir un environnement politique ouvert, où les voix discordantes peuvent s’exprimer sans intimidation. Il révèle aussi à quel point les équilibres sont fragiles, et combien certaines forces sont prêtes à agir — même symboliquement — pour tenter de les faire basculer.

By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, Rédacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplômé en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. Passionné par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagé.