« Certains agents publics continuent de profiter de leurs fonctions pour détourner des fonds publics à des fins personnelles. » – Groupe d’experts de l’ONU, rapport au Conseil de sécurité, juillet 2025.

Dans son dernier rapport transmis au Conseil de sécurité, le Groupe d’experts des Nations unies dénonce avec fermeté les flux financiers illicites dans le secteur public haïtien. Au cœur des préoccupations : le scandale de corruption impliquant trois membres du Conseil présidentiel de transition (CPT), inculpés dans l’affaire de la Banque nationale de crédit (BNC), mais toujours en fonction malgré la gravité des faits reprochés.

💰 Une tentative d’extorsion révélée

L’affaire remonte à juillet 2024. Le directeur général de la Banque nationale de crédit, institution financière publique, adresse une lettre officielle au Premier ministre de l’époque. Il y affirme avoir été approché par trois membres influents du CPT, qui lui auraient demandé un pot-de-vin de 100 millions de gourdes – soit environ 750 000 dollars américains – en échange de son maintien à la tête de la BNC.

Le directeur précise que les trois conseillers lui ont clairement signifié que le versement de cette somme était une condition sine qua non pour conserver ses fonctions. Ces accusations, d’une extrême gravité, ont été relayées dans plusieurs cercles institutionnels, et ont rapidement déclenché une enquête officielle.

🕵🏾‍♂️ L’ULCC confirme, la justice s’en mêle

Saisie de l’affaire, l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) ouvre une enquête approfondie. En décembre 2024, ses conclusions sont sans appel : elle recommande l’ouverture de poursuites pénales contre les trois individus pour abus de pouvoir, pratique de pots-de-vin et corruption.

Un juge d’instruction du tribunal de première instance de Port-au-Prince émet alors un mandat de comparution à l’encontre des trois membres du CPT. Mais ceux-ci refusent de se présenter, invoquant leur statut de conseillers présidentiels pour échapper à la justice ordinaire.

⚖️ Une décision judiciaire controversée

Le bras de fer judiciaire se poursuit jusqu’en février 2025. Saisie du dossier, la cour d’appel de Port-au-Prince statue que, compte tenu de leurs fonctions politiques, les trois conseillers ne peuvent être poursuivis par un tribunal de droit commun. Une décision qui soulève de vives critiques au sein de la société civile et des milieux juridiques.

En clair, leur statut de membres du Conseil présidentiel de transition les place temporairement au-dessus des lois, malgré des accusations formelles de corruption confirmées par l’ULCC.

🚨 Toujours en poste, malgré tout

Fait troublant : aucune mesure administrative ou politique n’a été prise à ce jour. Les trois individus siègent toujours au sein du Conseil présidentiel de transitionorgane central du pouvoir exécutif provisoire, chargé de conduire Haïti vers des élections générales et de restaurer un minimum de stabilité institutionnelle.

Pour le Groupe d’experts de l’ONU, cette situation est emblématique de l’impunité systémique qui ronge l’appareil d’État haïtien. Dans leur rapport, les experts insistent sur le fait que la corruption au sein du secteur public continue d’alimenter les flux financiers illicitesaffaiblit la capacité de l’État à répondre aux besoins de la population, et sape les fondements mêmes de la gouvernance démocratique.


⚠️ Une crise de confiance nationale

Alors que la population haïtienne subit l’insécurité, la pauvreté extrême et un effondrement quasi total des services publics, cette affaire met en lumière le décalage brutal entre les élites politiques et les réalités du pays. Comment parler de transition politique crédible lorsque des membres de l’organe qui incarne cette transition sont eux-mêmes accusés de détournement et de chantage financier ?


📣 Appels à la transparence et à la justice

Plusieurs voix, tant dans la société civile qu’au sein de la diaspora, appellent aujourd’hui à :

  • La suspension immédiate des conseillers impliqués jusqu’à la fin des enquêtes.
  • La relance de la procédure judiciaire par une instance compétente et indépendante.
  • La création d’un mécanisme de contrôle éthique pour tous les membres du Conseil présidentiel.

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Ce scandale au sommet de l’État pose une question simple mais essentielle : qui surveille ceux qui prétendent nous gouverner ?

Tant que les actes de corruption resteront impunis et institutionnellement protégés, aucun processus de transition ne pourra inspirer la confiance ni poser les bases d’un avenir meilleur pour Haïti. Il ne s’agit pas seulement d’un problème juridique : c’est une crise morale, politique et démocratique.

By Tanes DESULMA

Tanes DESULMA, Rédacteur en chef d’Alternance-Media, je suis diplômé en journalisme de l’ICORP et en droit public de l’École de Droit de La Sorbonne. Passionné par l’information et la justice, je m’efforce de proposer un journalisme rigoureux et engagé.