Port-au-Prince, le 21 juin 2025
Dans une Haïti secouée par les violences armées, les déplacements de populations et la destruction d’infrastructures publiques, la Faculté de Médecine et de Pharmacie (FMP) de l’Université d’État d’Haïti a célébré la graduation de la promotion 2016-2022. Cette promotion porte un nom lourd de sens : « ANNE- SHERCA FLORVIL», en hommage à Anne- Sherca FLORVIL, une étudiante emportée par un AVC en pleine formation.
Une cérémonie sous le signe de l’émotion et de la résilience
La cérémonie a été marquée par un puissant mélange de recueillement, de fierté et de détermination. En plus de Sherca Florvil, les diplômés ont salué la mémoire d’Osny ZIDOR, également victime collatérale de l’insécurité généralisée.
« Malgré tout, nous sommes debout. Nous avons été formés à l’Almamater, cette institution qui ne se contente pas d’enseigner, mais qui façonne des générations d’acteurs du changement », a lancé le président de la promotion, la voix chargée d’émotion.
Il a appelé ses camarades à devenir des porteurs d’espoir pour un pays qui a besoin de repères solides : « Servir la communauté, c’est désormais notre mission. »
Le ministre de la Santé : « Le pays a besoin de vous »
Présent comme parrain de la promotion, le ministre de la Santé, Sinal BERTRAND , a rappelé l’ampleur des responsabilités qui attendent ces nouveaux professionnels.
« Vous êtes désormais les gardiens de la vie. Et dans un pays en crise, cela vous confère un rôle encore plus vital. »
Il a annoncé le lancement d’un programme national de recrutement de personnel médical, et insisté sur le rôle clé que jouera la FMP dans cette relance.
Mais il n’a pas caché l’ampleur des défis :
« L’Organisation mondiale de la santé recommande 25 médecins pour 10 000 habitants. En Haïti, nous n’en avons même pas 6. Ce déficit n’est pas une fatalité. Vous êtes la relève. »
Le doyen appelle à la reconstruction de la FMP
Prenant la parole, le doyen de la faculté a souligné la charge symbolique de cette promotion formée dans des conditions extrêmes.
« Cette génération a connu les pires violences, l’effondrement institutionnel, l’exil des soignants, l’abandon de la zone universitaire. Et pourtant, elle est arrivée jusqu’ici. Elle mérite notre respect. »
Il a aussi rappelé que les diplômés sont boursiers de l’État et porteurs d’une responsabilité morale envers le pays.
« La médecine, c’est une éthique. L’amour de la profession, la discipline, l’honnêteté : voilà ce que nous avons essayé de vous transmettre. »
Le doyen a profité de l’événement pour interpeller les autorités sur la situation critique de la FMP :
« Notre faculté a été contrainte de fuir ses locaux flambant neufs à cause des violences. Aujourd’hui, elle fonctionne sans adresse fixe, sans archives, sans sécurité. Il est temps de réintégrer notre site légitime. »
Il a remercié les institutions qui ont soutenu la FMP dans ces moments difficiles : l’Association Médicale Haïtienne, l’hôpital Saint-Louis, l’hôpital Saint-D’Amiens, ainsi que le campus universitaire Henry Christophe de Limonade.
Une jeunesse debout, envers et contre tout
Dans un pays où les hôpitaux sont incendiés, où les médecins sont pris pour cibles, où le système de santé s’effondre, cette nouvelle génération choisit pourtant de croire en son pays.
La promotion SHERCA FLOVL est plus qu’un groupe de diplômés : elle est le symbole d’une jeunesse qui refuse de céder, qui transforme la douleur en mission, et la mémoire en énergie collective.
Alternance Média salue cette cohorte de jeunes médecins. Le pays vous attend. Il a besoin de votre courage, de votre rigueur, de votre foi dans l’avenir.