« Avec notre journaliste santé, Graziela Debora Jacques »
Le spectre du choléra plane de nouveau sur Haïti. Depuis le début de l’année 2025, plus de 3 000 personnes ont été infectées et au moins 53 décès ont été recensés, selon les autorités sanitaires. La majorité des cas se concentre dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, où la violence des gangs et les déplacements massifs de population aggravent une situation humanitaire déjà désastreuse.
Une visite ministérielle symbolique
Ce samedi 17 d’octobre, une file de véhicules officiels marqués du logo du ministère de la santé publique et de la population a envahi les rues congestionnées de Pétion-Ville. Destination : le centre de santé de Thomassin 25. Le ministre Bertrand Sinal, accueilli par les soignants, y a rencontré une jeune patiente d’une trentaine d’années, suspectée d’avoir contracté le choléra.
« Mwen anfòm » (“Ça va”), a-t-elle répondu timidement au ministre, perfusion au bras. Selon le docteur Helman Cénéus, responsable du pôle de lutte contre les épidémies dans le département de l’Ouest, la malade présentait diarrhées et vomissements mais n’était pas sévèrement déshydratée, d’où sa mise en observation.
Des conditions de vie propices à l’épidémie
Le retour du choléra n’est pas une surprise pour les acteurs de santé publique. Les camps de déplacés internes, gonflés par les violences armées, abritent des dizaines de milliers de personnes dans des conditions sanitaires catastrophiques : manque d’eau potable, insalubrité, absence d’assainissement. Dans ce contexte, l’agent pathogène trouve un terrain favorable pour se propager.
Les organisations humanitaires alertent sur le risque d’une flambée épidémique si les mesures de prévention (chloration de l’eau, campagnes d’hygiène, accès rapide aux soins) ne sont pas rapidement renforcées.
Un pays qui n’en finit pas de cumuler les crises
Le choléra avait déjà frappé Haïti en 2010, causant plus de 10 000 morts en quelques années. Officiellement éradiqué en 2019, il refait surface aujourd’hui alors que le pays traverse une triple crise : sécuritaire, humanitaire et politique.
Les violences des gangs paralysent la capitale et empêchent un accès régulier aux soins. L’État haïtien, affaibli, peine à déployer une réponse sanitaire d’ampleur. La population, épuisée, survit dans des conditions où chaque nouvelle urgence devient une menace existentielle.
Entre urgence et prévention
Pour l’heure, le ministère de la santé tente de contenir l’épidémie par des cliniques mobiles, des distributions de solutions de réhydratation et des campagnes de sensibilisation. Mais les moyens restent limités face à l’ampleur du défi.
À Pétion-Ville comme ailleurs, le retour du choléra apparaît comme un révélateur brutal : tant que l’eau potable, l’assainissement et la sécurité ne seront pas garantis, Haïti restera vulnérable aux crises sanitaires à répétition.